et si on parlait enfin de la mobilité électrique en Afrique ? –

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Alors que la COP 28 a démarré, l’Afrique se tient à la croisée des chemins de la mobilité électrique, un enjeu majeur pour son avenir énergétique et environnemental, encore trop négligé dans le débat sur la transition écologique mondiale. 

Le coup d’envoi de la COP 28 vient d’être donné à Dubaï aux Émirats arabes unis. Un sujet crucial reste néanmoins encore en périphérie des discussions centrales, comme lors des précédentes Conférences des Parties (COP) : la mobilité électrique. L’Afrique, en particulier, se trouve à un carrefour décisif, où le potentiel de transformation dans le domaine des transports pourrait redéfinir son avenir énergétique et environnemental.

 

Selon McKinsey, le secteur des transports, responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre du continent, voit son impact s’accroître avec l’expansion du parc automobile. Cette croissance est stimulée par la croissance démographique combinée à une urbanisation rapide sur un continent dont la population devrait doubler d’ici 2050.

 

Risque de santé publique

En Afrique subsaharienne, la pollution atmosphérique, exacerbée par les émissions des véhicules, figure parmi les principales menaces pour la santé publique. Occupant la quatrième place en termes de réduction de l’espérance de vie corrigée de l’incapacité, elle est à l’origine d’environ 176.000 morts prématurées annuellement. Des études particulièrement préoccupantes placent la pollution de l’air en deuxième position parmi les causes de décès sur le continent, immédiatement après le VIH/Sida. D’autres rapports vont même jusqu’à la désigner comme risque numéro un en matière de santé publique, responsable d’un grand nombre de maladies non transmissibles telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires et pulmonaires, ainsi que l’asthme.

 

Pourtant, le débat autour de la transition énergétique en Afrique s’est jusqu’à présent concentré sur les secteurs minier et industriel, reléguant le secteur des transports, grand émetteur de pollution, à un rang secondaire.

 

La COP 28, accueillie par les Émirats arabes unis, pays qui s’engage activement dans la lutte contre le réchauffement climatique — le pays a annoncé vouloir investir près de 4,1 milliards d’euros dans les énergies propres en Afrique — offre une opportunité unique de remettre ce sujet sur le devant de la scène.

 

Car le continent africain se trouve bien au seuil d’une nouvelle ère, celle d’une révolution électrique. Doté d’importantes ressources en énergie propre, l’Afrique a la possibilité unique de se positionner davantage en tant qu’acteur majeur dans la transition vers des transports durables. En effet, l’avenir s’annonce prometteur pour les véhicules électriques en Afrique. Selon une étude réalisée par Mordor Intelligence, le marché des véhicules électriques sur le continent était évalué à 11,94 milliards de dollars en 2021. Cette même analyse prévoit une expansion significative du marché, avec une projection atteignant 21 milliards de dollars d’ici 2027. Cette croissance représente un taux annuel moyen de 10,2 % sur cette période.

 

McKinsey trace une trajectoire électrisante pour l’Afrique. Selon les prévisions de la firme, d’ici l’horizon 2040, les ventes de deux-roues électriques pourraient représenter entre 50 et 70 % du marché dans des pays phares comme le Kenya et le Nigeria. Mais ce n’est pas tout : les fourgonnettes et minibus pourraient, eux aussi, prendre le virage de l’électrique, avec une adoption qui pourrait grimper jusqu’à 35-45 % dans un scénario optimiste à la même échéance. Quant aux voitures personnelles, si leur électrification pourrait suivre un chemin plus sinueux, freinée par les entraves de l’approvisionnement en véhicules électriques d’occasion, l’Afrique n’en demeure pas moins sur la piste d’une réduction substantielle de ses émissions de carbone. McKinsey lâche le chiffre : jusqu’à 20-25 % de baisse des émissions de carbone du continent d’ici 2040.

 

Des défis « catalyseurs »

De plus, l’intérêt pour les véhicules électriques est notable parmi les consommateurs africains. Une étude menée par Deloitte révèle que la perception des consommateurs vis-à-vis des véhicules électriques est de plus en plus positive, beaucoup reconnaissant que la technologie est non seulement viable, mais également bénéfique pour l’environnement. Cependant, des défis subsistent, notamment la fiabilité de l’approvisionnement électrique, les infrastructures de recharge, la prédominance des véhicules d’occasion, et les coûts initiaux élevés des véhicules électriques.

 

Ces défis ne doivent pas être des obstacles, mais plutôt des catalyseurs d’innovation et de collaboration. Les gouvernements africains, avec le soutien de partenaires privés, doivent envisager des mesures incitatives, telles que des exemptions fiscales pour l’achat de véhicules électriques et l’investissement dans des infrastructures de recharge. De même, l’innovation locale dans la conception et la fabrication de véhicules électriques adaptés aux conditions africaines est essentielle.

 

La COP 28 est une occasion en or pour l’Afrique de présenter un modèle de mobilité électrique adapté à ses besoins uniques. Le continent a la possibilité de démontrer que la mobilité électrique n’est pas seulement une solution viable pour la transition énergétique, mais aussi un levier de développement économique et social. Avec des ressources en énergie propre abondantes, l’Afrique peut non seulement répondre à ses besoins internes, mais également exporter son savoir-faire et ses innovations.

 

Il est temps pour la communauté internationale de reconnaître et de soutenir le potentiel transformateur de l’Afrique dans la révolution électrique.

La tribune d’Afrique