16 janvier 2015 – 16 janvier 2024 Une pensée pour Thïiernödjö Diallo alias Bebel, 9 ans après –

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16 janvier 2015 – 16 janvier 2024

Une pensée pour Thïiernödjö Diallo alias Bebel, 9 ans après : 

 

Repose en Paix Symbole de la Vérité et du Courage

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Comme un coup de couteau planté dans la poitrine, la nouvelle du décès de Thiernodjo Diallo « Bebel », directeur de publication-fondateur du journal « La Vérité » a été un gros choc pour moi. Plus qu’un confrère, Bebel était, en effet tout simplement un frère, un ami avec qui je partageais un respect, une confiance réciproques. La confraternité, née dans les années 90 au sein de la rédaction du journal « L’indépendant » où lui, d’autres et moi exerçaient à l’époque, a, au fil des ans, pris un caractère amical et fraternel. D’autant fraternel, que lui et moi saurons plus tard que nos parents etaient amis et très proches à Fria, la Cité de l’Alumine. Mais, ce fait si important et significatif-soit – il en Afrique, n’explique pas à lui seul, la proximité entre Thernodjo Diallo Bebel et moi. L’amour de la profession, le respect de l’éthique, le courage de son opinion, la qualité rédactionnelle et le style dépourvu de toute démagogie sont des valeurs que j’appréciais chez Thiernodjo Diallo.

Si les plumes des grandes signatures de la presse guinéenne de l’époque étaient, dans l’ensemble, belles, celle de Thiernodjo Bebel était en plus respetable et tranchée. Il me voua une amitié et une solidarité à toutes épreuves à chaque fois que je fus confronté à une difficulté dans l’exercice de la profession ou dans la vie courante. Professionnel jusque dans l’âme, THIERNODJO DIALLO BEBEL et sa plume étaient directs, vifs, incisifs, très engagés et combatifs pour des causes estimées justes à l’époque: la démocratisation vraie du pays, le respect total des droits de l’homme, la lutte contre les détournements massifs, les pillages économiques et la bonne gouvernance. Cet idéal et cette orientation ont souvent guidé une plume difficilement aimable par la classe dirigeante d’un pays malheureusement rompue à des pratiques qui justifient encore aujourd’hui les maux de la Guinée.

Au sein du journal « L’indépendant  » sous la houlette du redacteur en chef, Ousmane Tity Faye , nous avons oeuvré ensemble afin que l’opposition, superbement ignorée par les médias du service public, trouve elle aussi un cadre d’expression pour le public, ses militants et sympathisants. A ce titre, l’histoire reconnaît à Thiernodjo Diallo Bebel le mérite d’être parmi les premiers journalistes qui ont donné la parole aux hommes politiques Guinéens toutes tendances confondues: Elhadj Boubacar Biro Diallo, Aboubacar Sompare du PUP, feu Siradjou Diallo, Kerfalla Bangoura du PGP puis PRP, feu Bah Mamadou, Bah Ousmane, Alexis Doré de L’UNR, feu Issiaga Mara alias  » A bas les mains sales » de l’UNDG, Jean Marie Doré de L’UPG, Alpha Condé, Ahmed Tidjani Cisse du RPG, Mansour Kaba du parti Dyama, Dr Sekou Koureissy Condé de l’ARENA, Ismael Ghassim Ghussein, Momoh Bangoura, Lancinet Cisse du PDG-RDA…pour citer que quelques uns des leaders et leurs collaborateurs effectivement actifs dans les premières années du processus de démocratisation de la Guinée. Nous avons aussi, au nom du principe de la pluralité politique, couvert les meetings et activités de tous ces partis et d’autres agréés à l’époque.

Animés par la culture de la bonne gouvernance, nous avons suivi et décortiqué ensemble les différents scandales financiers ayant caractérisé la gestion des affaires publiques à l’époque: dossier elf, faux marchés, surfacturations etc.

C’est grâce à toutes ces expériences riches, les valeurs partagées pour la noble profession que nous avons, Thiernodjo Diallo Bebel, Abdoulaye Sankara alias Abou Maco et moi même, fondé, en 1997, « Le Nouvel Horizon » en partenariat avec un frère et ami Abdoulaye Chéri Camara.

Directeur de publication du nouveau journal, et sur financement de la coopération canadienne, c’est à Thiernodjo Diallo Bebel que j’ai placé ma confiance pour couvrir la campagne électorale du candidat du PUP à la présidentielle de décembre 1998, qui se trouvait être le président de la République sortant, le Général Lansana Conté. Difficilement accepté dans le sillage présidentiel notamment par des prédateurs qui formaient un mafieux clan, le reporter du « Nouvel Horizon « , avec la compréhension et le soutien du directeur de campagne, Doyen Cellou Diallo, a pu trouver ses marques et assura la meilleure couverture journalistique de la campagne avec des comptes rendus authentiques reflétant la réalité du ou des terrains. En tout état de cause, à la satisfaction des diplomates accrédités à Conakry et autres observateurs du scrutin. Suite à une brouille éditoriale avec le partenaire, Thiernodjo Diallo Bebel et Abdoulaye Sankara « Abou Maco » me manifestèrent leur solidarité et lancèrent avec moi et avec le soutien de notre frère Sekou Conde Ping-pong, « La Nouvelle Tribune », en mars 1999 dans le sillage de « Primo-infos », le bulletin de Primo-Express, la loterie créée par feu Mamady Mara, ancien inspecteur général des finances. Avec le soutien des personnalités de bonne volonté. Ce journal est né à un moment où la Guinée etait confrontée à plusieurs crises politiques et sociales: Contentieux électoraux, contestations des résultats de l’élection présidentielle, arrestation du leader et candidat du RPG, Alpha Condé,

l’affaire de Kaporo-rails, les scandales miniers et financiers de Friguia-Impots-Anaim impliquant plusieurs hauts cadres des deux départements et sociétés privées de la place dans l’une des plus grosses malversations de l’histoire de la Guinée. Avec une plume précise, concise et sans aucun état d’âme, Thiernodjo Diallo Bebel crève l’abcès et révèle à l’opinion les dessous et tous les détails liés à ce gravissime et monstrueux scandale. Son enquête minutieusement menée au coeur du dossier Friguia-Impots-Anaim fut une série médiatique intéressante qui donna une grande crédibilité nationale et internationale au journal naissant.

Au sein de la rédaction, et avec sa grande disponibilité, il suiva les premiers pas de nombreux jeunes journalistes, techniciens et secrétaires de l’époque et contribua à leur encadrement professionnel : Ibrahima Sory Diallo Dbeck, Abdoulaye Youlake Camara, Sacko Mamadou, Naby Moussa Camara alias Oscar Kibiri Fenèfama Kalé, Marco Ibrahima Sory Bah, Sega Diallo, Abdulai Bah, Alphadjo Diallo, Gilles Mory Conde, notre regrettée secrétaire feue Hawa Barry, Fatou Camara etc.

Mais, Bebel n’épargnait pas non plus les journalistes soupçonnés, à tors ou à raison, de corruption ou de soutenir les prédateurs.

Ainsi, en septembre 1999 quand il assurait l’intérim lors d’un voyage d’un voyage d’études auquel j’étais convié aux États-unis, il publie un article très offensif attribuant, à tors, un bien mal acquis à Boubacar Yacine Diallo, alors rédacteur en Chef de la Radio nationale et également en mission de reportage du séjour présidentiel aux États-unis. L’article a suscité beaucoup de bruits, mais l’affaire a été confraternellement réglée et Boubacar Yacine Diallo a arrêté la procédure judiciaire engagée pour rétablir son honneur. Depuis, les 2 sont devenus frères et confrères se respectant et s’admirant. Et quand le même Boubacar Yacine Diallo, qui avait fondé l’Enquêteur après une fracassante démission de la direction Générale de la RTG, a été auteur d’une fausse information annonçant la démission du Colonel Mamadou Balde de l’inspection générale de l’armée alors que le Général Lansana Conté, malade, était confronté à de nombreuses épreuves, c’est bien avec Thiernodjo Diallo Bebel et Abdoulaye Sankara que je me suis immédiatement rendu au Camp Almamy Samory pour tenter de calmer la fureur de l’ancien membre du CMRN très en colère et tenant à faire arrêter notre nouveau confrère de la presse privée.

Et quand plus tard, Thiernodjo Diallo Bebel décida de relancer son propre journal  » La Vérité « , le journaliste est resté en harmonie avec sa conscience, constant sur sa ligne éditoriale, ses principes directeurs: La bonne gouvernance, la démocratie. A ce titre, il continua à combattre les malversations au niveau de l’administration et des commerçants véreux, à défendre les libertés individuelles et publiques. Avec sa plume il accompagna le mouvement social de 2006-2007 contre les dérapages de l’exécutif qui contraignirent le président Conté à choisir un nouveau Premier ministre, chef du gouvernement sur une liste de propositions

Face à ce nouveau départ, Thiernodjo Diallo Bebel se refusa et résista à toutes les tentatives de manipulations en soutenant ouvertement et fermement les actions du Premier du gouvernement de consensus, Lansana Kouyate. Pour lui, comme Sidya Toure (1996-2000)ce gouvernement tenait largement compte de l’intérêt de la Guinée.

Toujours constant, il se dressa contre la procédure, manifetement corrompue du ministère des Transports de l’époque dans la cession du Port Autonome de Conakry à la société Getma International. Un scandale qui expose aujourd’hui la Guinée à de lourdes amendes financières.

Malgré la ténacité du mal qui vient de l’emporter, Thiernodjo Diallo Bebel, avec l’assistance de son complice et compagnon fidèle, Baila Bah, est revenu sur la scène médiatique en relançant une troisième fois son journal  » La Vérité  » afin de défendre et de soutenir son ami Alpha Condé, l’opposant « pestiféré » nouvellement élu Président de la République, avec lequel il etait toujours disponible et tout heureux de parcourir les ruelles de Kaloum, l’inviolable bastion du pouvoir du Général Lansana Conté à partir du restaurant domicile de l’hôte ouvert, accueillant et bienveillant Drizo.

Avec acharnement et agressivité souvent non justifiés, il consacra ses dernières énergies et plumes à pourfendre les opposants (notamment le Président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo) de l’historique opposant devenu Président de la République. L’homme n’étant pas parfait et le journaliste, certes indépendant, mais jamais totalement objectif, c’était sans doute l’envers de la plume chez Thiernodjo Diallo Bebel dont l’état de santé dégradant peut justifier amplement le pardon de tous ceux qui se sont sentis offensés ou blessés par un vrai professionnel dont le combat a été essentiellement consacré à la défense des faibles, la sauvegarde des intérêts nationaux, la promotion des valeurs humaines.

Affable et profondément humain, Thiernodjo Diallo Bebel était un guinéen au vrai sens du terme. C’est le lieu de remercier et d’exprimer vivement notre reconnaissance au Président Alpha Condé qui a assuré les dispositions d’évacuation sanitaire de notre collègue ami et frère, à l’homme d’affaires Antonio Souare et tous ceux qui, dans l’anonymat, ont soutenu Thiernodjo Diallo Bebel dans cette longue lutte contre la maladie.

Finalement, c’est la loi de la vie, la plume combative a finalement perdu la partie face à l’incurable mal. 9 ans après, tu restes toujours vivant dans nos Pensées et Prières.

Repose en paix, cher ami, frère et confrère. Que les prières de ce Vendredi Saint et des jours suivants t’ouvrent les portes du Paradis éternel de notre créateur, ALLAH, LE TOUT PUISSANT. Amen !

Par Abdoulaye Condé, journaliste