L’épidémie a entraîné l’annulation de la médiation de la Cédéao avant les scrutins contestés de dimanche, au grand dam de l’opposition.
Le double scrutin, législatif et constitutionnel, prévu dimanche 22 mars en Guinée s’inscrit dans l’air du temps, en pleine épidémie due au coronavirus : très fortement contaminé, confiné et potentiellement létal.
Il ne s’agit pas que d’une image. La propagation du Covid-19 a été invoquée par le ministre nigérien des affaires étrangères pour justifier l’annulation par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) d’une visite de haut niveau, celle de la dernière chance avant ce week-end que l’opposition qualifie, non sans emphase, d’« assaut final » contre le pouvoir.
La délégation ouest-africaine devait être conduite par trois poids lourds de la région : le chef de l’Etat nigérien et président en exercice de la Cédéao, Mahamadou Issoufou, et ses homologues ivoirien, Alassane Ouattara, et nigérian, Muhammadu Buhari.
L’annulation de la visite laisse le champ libre au président guinéen, Alpha Condé, pour organiser dans un quasi-huis clos un double scrutin empoisonné. En privé, une source proche de la présidence nigérienne reconnaît que le coronavirus est « un prétexte » : « Certes, l’épidémie préoccupe et mobilise l’attention de tous les présidents, mais au fond, vu l’état d’esprit et la détermination d’Alpha Condé, nous nous sommes dit que cette médiation était inutile. »
L’opposition appelle au boycott
Cette décision « nous a fait l’effet d’une douche froide », selon Cellou Dalein Diallo. Le chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le principal parti d’opposition, aux côtés des autres membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), appelle les Guinéens au boycott électoral et à descendre dans les rues, samedi et dimanche, pour empêcher « un coup d’Etat constitutionnel ». « Nous allons saisir le matériel électoral partout où on peut le faire. C’est clair qu’il y aura de la bagarre et cela ne s’arrêtera pas au soir de cette mascarade électorale », nous confie l’un de ses proches.
Une trentaine de manifestants ont perdu la vie, souvent tombés sous les balles de la police, depuis le début de la mobilisation contre l’adoption d’une nouvelle Constitution, en octobre 2019.
Depuis, la Commission électorale nationale (dite) indépendante (CENI), de laquelle l’opposition s’est depuis longtemps retirée, a rayé d’un trait de plume ces quelque 2,5 millions d’électeurs qui avaient été inscrits sans fournir aucune preuve de leur identité.
De son côté, le pouvoir maintient le cap sur une ligne dure. « Cette ligne ne fait pas l’unanimité, mais les modérés n’ont plus la parole », nous confie une source. Considéré comme un radical, Amadou Damaro Camara, chef du groupe parlementaire du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir), défend ainsi « l’urgence » de renouveler le mandat des députés, arrivé à échéance il y a déjà plusieurs mois.
Lemonde.fr