Accueil CULTURE 17 ans sans Moussa Mara : Retour sur le parcours d’un génie...
Le 25 mai 2008, à La Havane, s’éteignait brutalement Moussa Mara, journaliste culturel emporté par un arrêt cardiaque à l’âge de 34 ans seulement. Dix-sept années se sont écoulées depuis cette tragique disparition, mais la mémoire de cet homme exceptionnel continue de résonner dans le cœur des mélomanes guinéens et africains qui ont eu le privilège de vibrer au son de sa voix inimitable chaque samedi matin.


Né en 1974 à Kérouané, en Haute-Guinée, le fils de feu Alphonse Fadjimba, Moussa Mara avait tracé un parcours brillant qui force encore aujourd’hui l’admiration. Après des études primaires et secondaires dans sa ville natale, ce fils de la Haute-Guinée rejoint l’Université de Kankan où il décroche son diplôme de sociologie en 1997, major de sa promotion. Cette excellence académique lui ouvre naturellement les portes de l’enseignement universitaire, mais le jeune homme nourrit une autre passion : le journalisme.
C’est ainsi qu’au début des années 2000, animé par cette flamme créatrice, Moussa Mara « jette la craie » pour embrasser une carrière à la Radio Télévision Guinéenne. Recruté d’abord comme régisseur d’antenne, son talent ne tarde pas à éclater au grand jour.
La providence frappe à sa porte lorsqu’il doit remplacer temporairement une animatrice indisponible pour l’émission « Carrefour ». Ce qui devait être un simple dépannage se transforme en révélation.
Prendre la relève après la disparition d’Aly Badara Diakité, l’emblématique ABD qui animait « Afri Cadence », constituait un défi lourd. Mais Moussa Mara relève ce défi avec une maestria qui subjugue immédiatement les auditeurs. Sa diction irréprochable, son éloquence naturelle, ses expressions singulières et captivantes ainsi que sa plume raffinée conquièrent rapidement les cœurs. Le succès est tel que le ministère de l’Information officialise sa nomination par arrêté ministériel le 16 août 2000, reconnaissance exceptionnelle qui témoigne de son impact immédiat sur le paysage radiophonique guinéen.
Chaque samedi, de 9h 05 à 10h, « Carrefour » devient un rendez-vous incontournable. Moussa Mara transforme cette émission culturelle en un véritable voyage à travers les expressions artistiques et musicales de la Guinée et d’ailleurs. Son approche unique, mêlant griotisme traditionnel, histoire et philosophie, donne une profondeur particulière à chaque diffusion. Les auditeurs ne se contentent pas d’écouter de la musique, ils vivent une expérience culturelle enrichissante, portée par une voix qui savait transmettre l’émotion et la connaissance avec la même intensité
Sa formation en sociologie transparaît dans chacune de ses interventions. Moussa Mara ne se contente pas d’animer ; il éduque, sensibilise et éveille les consciences à travers des citations. Son passage remarqué lors de la cérémonie officielle de Kankan en 1997, où il avait séduit le président Lansana Conté par son éloquence et sa présence scénique, témoignait déjà de ses qualités exceptionnelles de communicateur hors-série.
Mais au-delà du professionnel accompli, Moussa Mara était un homme profondément humain. Cette humanité transparaissait notamment dans cette émission poignante enregistrée en différé lors de son déplacement à Cuba, où il avait annoncé avec une émotion contenue le décès de son père, Fagimba Alphonse Mara, mêlant douleur personnelle et devoir professionnel dans une réflexion philosophique sur la vie et la mort qui avait marqué tous les auditeurs.
Ironiquement, c’est à Cuba, ce pays qu’il découvrait dans le cadre d’une mission culturelle avec un groupe musical guinéen, que la mort l’a fauché en pleine ascension. Le 25 mai 2008, son cœur s’arrête brutalement, privant la Guinée de l’une de ses voix les plus cheries.
C’est au au cimetière de Cameroun en présence du Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré, des membres du gouvernement et du président du Conseil National de la Communication Tibou Camara que cette voix emblématique à rejoint sa dernière demeure.
Dix-sept ans après, l’héritage de Moussa Mara demeure vivace. Il a marqué une génération d’auditeurs qui gardent précieusement le souvenir de cette voix chaleureuse qui sublimait chaque samedi matin.
Plus qu’un simple animateur, il était devenu une référence, un modèle pour tous ceux qui aspirent à faire du journalisme culturel un art noble et enrichissant.
En cette date anniversaire, la Guinée se souvient de Moussa Mara non pas comme d’un disparu, mais comme d’une étoile qui continue de briller dans le firmament de sa culture radiophonique. Sa voix s’est tue, mais son message perdure : la culture est un patrimoine précieux qui mérite d’être transmis avec passion, intelligence et respect.
Moussa Mara avait 34 ans. Il avait toute la vie devant lui et des projets plein la tête. Mais en quelques années à peine, il avait réussi à graver son nom dans l’histoire de la radiodiffusion guinéenne.
Puisse son exemple inspirer les nouvelles générations de journalistes à porter haut les couleurs de la culture africaine avec la même excellence et la même passion.
La voix de « Carrefour » s’est éteinte le 25 mai 2008, mais son écho résonne encore aujourd’hui dans le cœur de tous ceux qui ont eu la chance de l’entendre. Repose en paix, Moussa Mara.
La Guinée n’oublie pas ses enfants talentueux.
Minkailou Barry