Guinée / Affaire Dadis Camara : L’ONU hausse le ton et exige l’annulation de la grâce présidentielle

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À quelques jours de la commémoration du 16e anniversaire des violences meurtrières du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, qui avaient coûté la vie à au moins 156 opposants politiques, la communauté internationale maintient sa vigilance sur le dossier judiciaire guinéen.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a réitéré ses préoccupations concernant la décision prise par les autorités de transition guinéennes en mars dernier. La grâce présidentielle accordée par le général Mamadi Doumbouya à Moussa Dadis Camara continue de susciter l’indignation internationale.

L’ancien chef d’État guinéen avait été jugé et condamné en août 2024 à une peine de vingt années d’emprisonnement pour crimes contre l’humanité, dans le cadre du procès historique lié aux massacres perpétrés par les forces de sécurité et militaires contre des manifestants pacifiques.

Cette condamnation constituait un tournant majeur dans la quête de justice pour les familles des victimes, après plus d’une décennie d’attente. Cependant, la mesure de clémence décrétée le 28 mars dernier a relancé les tensions autour de ce dossier sensible.

Officiellement motivée par des considérations médicales, la grâce accordée à l’ancien dirigeant a permis son transfert au Maroc dans la nuit du 13 au 14 avril pour y recevoir des soins spécialisés. Cette justification n’a toutefois pas apaisé les critiques internationales.

Le représentant onusien a rappelé avec fermeté que « le droit international interdit les grâces pour des crimes aussi graves », soulignant l’incompatibilité de cette décision avec les standards juridiques internationaux en matière de crimes contre l’humanité.

Dans sa déclaration, M. Türk a réaffirmé l’importance des piliers fondamentaux de la justice transitionnelle : établissement des responsabilités, révélation de la vérité, réparations aux victimes et mise en place de garanties contre la répétition de tels actes.

L’Organisation des Nations Unies maintient donc sa demande d’annulation de cette mesure controversée, considérant qu’elle compromet les progrès réalisés dans la lutte contre l’impunité en Afrique de l’Ouest.

Au-delà de l’ONU, c’est tout un écosystème d’organisations qui se mobilise contre la décision du général Doumbouya. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, l’Union africaine, ainsi que plusieurs ONG internationales comme Human Rights Watch et Amnesty International ont exprimé leur désapprobation.

Sur le plan régional, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pourrait être saisie par les organisations de défense des droits de l’homme, ouvrant la voie à des procédures juridiques contraignantes pour la Guinée.

Les associations locales de victimes, soutenues par leurs homologues internationales, multiplient également les recours et maintiennent une pression constante sur les autorités de transition.

Cette levée de boucliers généralisée laisse présager que les difficultés judiciaires de l’ancien président ne sont pas près de se terminer. Plusieurs scénarios s’esquissent à l’horizon :

D’abord, la justice internationale pourrait prendre le relais. La Cour pénale internationale (CPI), bien qu’elle n’ait pas encore ouvert d’enquête formelle sur ce dossier, surveille attentivement l’évolution de la situation. Un éventuel mandat d’arrêt international pourrait considérablement compliquer les déplacements de Dadis Camara.

Ensuite, la pression diplomatique s’intensifie. Plusieurs pays européens et africains ont déjà fait savoir officieusement qu’ils ne reconnaîtraient pas la validité de cette grâce, ce qui pourrait limiter les possibilités d’asile ou de résidence permanente pour l’ancien dirigeant.

Enfin, sur le plan interne guinéen, l’opposition politique et la société civile maintiennent leur mobilisation. Les prochaines échéances électorales pourraient voir ce dossier ressurgir comme un enjeu majeur, contraignant les futures autorités à reconsidérer cette décision.

Cette affaire dépasse le simple cas guinéen et interroge plus largement la lutte contre l’impunité en Afrique de l’Ouest. Les organisations internationales y voient un test décisif pour l’établissement d’un État de droit solide dans la région.

Les autorités guinéennes n’ont pas encore réagi publiquement à cette mobilisation internationale croissante, mais l’étau juridique et diplomatique se resserre progressivement autour de leur décision controversée. Pour Moussa Dadis Camara, malgré sa liberté retrouvée, l’horizon judiciaire demeure incertain et potentiellement lourd de conséquences.

Abdoul Samaké

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