CRIEF : Dans l’œil du cyclone : Ahmed Kanté face à la justice pour la spoliation d’un projet minier national

0
61

Dans quelques semaines, selon nos informations, la Chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) ouvrira un dossier explosif qui cristallise toutes les dérives de la prédation économique en Guinée. Au banc des accusés : Ahmed Kanté, ancien Directeur général de la SOGUIPAMI, soupçonné d’avoir orchestré, à travers un réseau de prête-noms, la spoliation d’un projet minier d’envergure nationale – AGB2A – développé depuis 2013 par l’homme d’affaires français Claude Lorcy.

Le projet AGB2A, reconnu par l’État comme Projet d’Intérêt National, avait été patiemment bâti : prospection, mobilisation d’investisseurs, négociations avec les autorités, études techniques.

Mais en 2021, selon la plainte, Ahmed Kanté y aurait fait irruption non pour investir, mais pour en prendre le contrôle. Fort de son influence à la tête de la SOGUIPAMI, il aurait mis en place un système opaque lui permettant de capter la majorité des parts, reléguant les concepteurs initiaux au second plan.

L’accusation décrit un montage en cascade :

1. Obtention de plus de 65 % d’ILS SARL, société écran aux mains de prête-noms – Oumar Bah et Mamadou Alpha Sylla – sans aucun apport en capital.

2. ILS SARL contrôle 95 % de GIC SARL, également infiltrée par des associés fictifs et dirigée par Kanté.

3. GIC SARL détient 58 % du consortium AGB2A, donnant à l’ex-DG de la SOGUIPAMI la mainmise sur le projet… sans investissement personnel.

Selon la législation guinéenne, de telles actions acquises via des ressources publiques devraient revenir à l’État. Les plaignants soutiennent qu’au contraire, M.Kanté aurait détourné ces parts à son profit.

Dans cette affaire, on parle des prête-noms pour contourner la loi.

Les figures mises en avant – Oumar Bah, Mamadou Alpha Sylla, Aboubacar Sidiki Camara, Mariama Ciré Camara – n’auraient fourni ni fonds ni expertise. Leur rôle : masquer le bénéficiaire réel et échapper aux interdictions légales visant les anciens dirigeants publics du secteur minier.

Cette méthode violerait :

• Article 8 du Code minier (interdiction de participation)

• Loi L/2017/041/AN sur la lutte contre la corruption

• AUSCGIE (OHADA) sur les incompatibilités dans les sociétés commerciales

Parmi les éléments clés figure un contrat signé en 2017 entre IBCC – société appartenant à l’épouse de Kanté – et Eurasian Resources, prévoyant 250 000 dollars et des royalties en échange de démarches administratives qui relevaient pourtant de ses fonctions publiques.

Les infractions présumées :

• Corruption et trafic d’influence

• Détournement et usage illicite de fonds publics

• Prise illégale d’intérêts

• Blanchiment de capitaux

• Escroquerie et souscriptions fictives

• Enrichissement illicite

Pour Fatoumata Dramé, veuve de Claude Lorcy, « ce n’est pas seulement un vol économique, mais un déni de justice envers ceux qui investissent dans le développement de la Guinée ».

L’enjeu dépasse le sort d’Ahmed Kanté : ce procès pourrait devenir un symbole. Il posera une question directe à la CRIEF : la Guinée est-elle prête à sanctionner l’abus de pouvoir, même lorsqu’il émane des plus hauts cercles ?

Au-delà du verdict, ce sera la crédibilité même des institutions judiciaires qui sera scrutée par les citoyens, les investisseurs et la communauté internationale. Une condamnation ouvrirait la voie à un précédent historique ; un acquittement risquerait de renforcer l’idée que l’impunité demeure la règle.

Lansana Yansané

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici