Accueil AFRIQUE Donald Trump brandit la menace militaire contre Abuja pour la protection des...
Une crise diplomatique majeure secoue les relations entre les États-Unis et le Nigeria depuis ce week-end. Le président américain Donald Trump a menacé d’engager une action militaire contre le pays le plus peuplé d’Afrique, l’accusant de tolérer des massacres de chrétiens perpétrés par des groupes terroristes islamistes.
Dans une série de messages publiés sur Truth Social samedi 1er novembre, le dirigeant américain a utilisé un langage particulièrement virulent, menaçant de suspendre toute aide financière à Abuja et d’intervenir militairement pour éliminer ce qu’il qualifie de terroristes islamistes. Trump a déclaré avoir ordonné au Pentagone de se préparer à une éventuelle action, exigeant du gouvernement nigérian qu’il agisse rapidement.
Le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, a confirmé que le Pentagone se prépare à passer à l’action, ajoutant que soit le gouvernement nigérian protège les chrétiens, soit les États-Unis interviendront pour tuer les terroristes.
Dimanche, interrogé à bord d’Air Force One sur la nature potentielle de cette intervention, le président américain a répondu de manière évasive en déclarant envisager beaucoup de choses, qu’il s’agisse d’une intervention terrestre ou de frappes aériennes.
Cette escalade fait suite à la décision prise vendredi d’inscrire le Nigeria sur la liste des pays particulièrement préoccupants en matière de liberté religieuse, estimant que le christianisme y fait face à une menace existentielle. Trump a avancé des chiffres faisant état de 3.100 chrétiens massacrés au Nigeria sur un total mondial de 4.476, sans toutefois préciser l’origine de ces statistiques.
La réaction d’Abuja n’a pas tardé. Le président nigérian Bola Tinubu a fermement rejeté ces accusations, affirmant que la caractérisation du Nigeria comme un pays intolérant sur le plan religieux ne reflète pas la réalité nationale. Daniel Bwala, conseiller en communication de la présidence, a suggéré dimanche qu’une rencontre entre les deux dirigeants pourrait avoir lieu prochainement, soit à Abuja soit à Washington.
Le porte-parole présidentiel a également qualifié les menaces de Trump de possible tactique de négociation, rappelant que les deux pays collaborent déjà étroitement dans la lutte antiterroriste à travers le partage de renseignements et les ventes d’armes.
La situation sécuritaire au Nigeria demeure effectivement préoccupante. La région nord-est du pays est le théâtre de l’insurrection jihadiste Boko Haram, qui a causé plus de 40.000 morts et déplacé plus de deux millions de personnes depuis 2009 selon les Nations unies. Selon Amnesty International, plus de 10.000 personnes ont été tuées dans des attaques djihadistes dans le centre et le nord du Nigeria au cours des deux années qui ont suivi l’entrée en fonction du président Tinubu.
Toutefois, la question religieuse soulevée par Trump fait débat. Selon plusieurs analystes, si les chrétiens sont souvent pris pour cible, la majorité des victimes des groupes armés seraient en réalité des musulmans du nord du Nigeria, région à majorité musulmane. Mi-octobre, Massad Boulos, conseiller de Trump pour l’Afrique et installé au Nigeria depuis plusieurs décennies, avait lui-même affirmé que les jihadistes tuaient plus de musulmans que de chrétiens.
Ces déclarations de Trump interviennent après des mois de lobbying de la part d’élus conservateurs américains qui dénoncent un génocide des chrétiens au Nigeria, accusations également relayées par des associations chrétiennes et évangéliques, et trouvant un écho auprès de responsables politiques européens d’extrême droite, bien que contestées par des experts.
Cette crise a suscité un mélange de confusion et de crainte parmi les Nigérians qui tentent de comprendre la portée réelle de ces menaces sans précédent. Des experts estiment que les causes du conflit sont complexes et dépassent le simple cadre religieux, mêlant pauvreté, changement climatique et absence de sécurité dans certaines zones rurales.
Si cette menace d’intervention devait se concrétiser, elle ouvrirait une période de tensions majeures entre Washington et un partenaire économique et sécuritaire majeur des États-Unis en Afrique de l’Ouest. Pour l’heure, aucune confirmation officielle n’a été donnée quant à une préparation militaire concrète américaine sur le terrain.
Source : AFP/Reuters