Afrique du Sud : l’imposture du ‘’génocide blanc’’ qui cache le vrai crime – 300 ans de spoliation coloniale

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Le 12 mars 2025, un avion affrété par le gouvernement américain atterrit à Washington avec à son bord quarante-neuf Sud-Africains blancs, officiellement accueillis comme « réfugiés fuyant des persécutions ». Donald Trump, fraichement élu président des États-Unis, déclare sans détour, mais plein de fard : « Nous sauvons ces braves fermiers du génocide orchestré par le régime de l’ANC. Le monde doit savoir que des milliers d’entre eux sont massacrés chaque année dans des conditions atroces.« 

Cette affirmation qui n’est qu’un tissu de fables audacieuses, une imposture assumée, un travestissement effronté de la réalité, une falsification grossière et une supercherie décomplexée, reprise en boucle par les médias conservateurs américains, repose sur un mensonge éhonté. Les statistiques officielles de la police sud-africaine pour l’année 2024 sont sans appel : sur près de 49 000 meurtres commis dans le pays, seulement 42 concernent des fermiers blancs – un taux de criminalité bien inférieur à la moyenne nationale. Pire encore, aucune enquête sérieuse n’a jamais pu établir de motif racial systématique dans ces crimes, contrairement aux allégations propagées par des groupes comme AfriForum, un lobby pro-apartheid financé par d’anciens colons. Le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Clayson Monyela, a rejeté ces accusations en affirmant qu’il n’existe aucune persécution des Sud-Africains blancs et que les rapports de police ne corroborent pas les vaticinations de Trump. De plus, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a confirmé qu’elle n’était pas impliquée dans ce programme de réinstallation, ce qui montre que ces réfugiés ont bénéficié d’une procédure accélérée qui n’a pas été appliquée à d’autres groupes.

Le Native Land Act de 1913 : Un crime colonial légalisé

Adopté le 19 juin 1913 par le régime colonial britannique en Afrique du Sud, le Native Land Act est l’une des lois les plus ségrégationnistes de l’histoire, scellant dans le droit l’expropriation massive des peuples autochtones. Cette loi ne surgit pas du néant : elle couronne des décennies de violence génocidaire, de dépossession systématique et de pillage économique orchestrés par l’impérialisme colonial britannique.

La conquête britannique de l’Afrique du Sud se fit par le sang et la terreur sanglante. Dès leur pénétration en Afrique du Sud, les colons britanniques imposèrent leur domination par des massacres planifiés, des déportations et une guerre économique visant à briser toute résistance. Les guerres anglo-zouloues et anglo-xhosa, les politiques de la terre brûlée, et les camps de concentration (comme ceux de la guerre des Boers, où des milliers de Noirs périrent) illustrent cette stratégie d’anéantissement. Le but ? Vider le territoire de ses habitants légitimes pour voler leurs terres.

Le Native Land Act : L’apartheid avant l’apartheid

Cette loi raciste interdisait aux Noirs sud-africains – plus de 67% de la population – d’acheter ou de louer des terres en dehors de misérables « réserves » ne couvrant que 7% du territoire. Pendant ce temps, 87% des terres fertiles étaient réservées aux colons blancs (Britanniques et Afrikaners), consolidant un vol légalisé au profit des oppresseurs. Un crime économique et social soigneusement planifié. La législation ne se contentait pas de spolier : il brisait délibérément l’autonomie alimentaire des communautés noires, les réduisant à une main-d’œuvre servile pour les mines et les fermes blanches. Famines, déplacements forcés et paupérisation extrême en furent les conséquences directes. C’est un héritage de souffrance, car cette loi posa les bases de l’apartheid, mais elle est avant tout le produit du colonialisme britannique – un système fondé sur le racisme, le vol et le meurtre institutionnalisé. Aujourd’hui encore, ses séquelles empoisonnent l’Afrique du Sud, où la question foncière reste une plaie ouverte. Réécrire cette histoire, c’est refuser l’oubli. Dénoncer ce crime, c’est exiger justice. Elle a eu pour conséquences dramatiques escomptée, l’expropriation de millions de Noirs, les forçant à travailler comme ouvriers agricoles ou à migrer vers les villes pour des emplois précaires. Elle a jeté les bases du système d’apartheid, qui allait institutionnaliser la ségrégation raciale en 1948. Pour comprendre l’absurdité des accusations de « génocide anti-blanc », il faut absolument insister sur les racines du système colonial sud-africain. En 1913, le gouvernement de Louis Botha, un ancien général boer, promulgue le Native Land Act, une loi explicitement conçue pour déposséder la majorité noire. Cette législation raciste disposait entre autre que toute famille noire vivant sur des terres « blanches » pouvait être expulsée sur-le-champ, sans compensation. Les conséquences furent immédiates et catastrophiques. En un an, plus d’un million de personnes furent jetées à la rue, contraintes de s’entasser dans des bidonvilles dont certains deviendront plus tard Soweto. Pendant ce temps, 87 % des terres fertiles étaient réservées à la minorité blanche, qui ne représentait pourtant que 20 % de la population.

L’apartheid et l’Expropriation Act de 1975 : le vol légalisé

En 1948, le régime de l’apartheid institutionnalise la ségrégation raciale. Mais c’est en 1975, sous la férule de B.J. Vorster, que l’État raciste franchit un nouveau cap avec l’Expropriation Act. Cette loi permettait au gouvernement de racheter de force les rares terres encore aux mains des Noirs – à des prix dérisoires – pour les redistribuer aux fermiers blancs. Des quartiers entiers furent rasés. À District Six, au Cap, 60 000 personnes furent expulsées en quelques mois. À Sophiatown, près de Johannesburg, un quartier historique noir fut littéralement effacé de la carte. Entre 1975 et 1994, plus de 3,5 millions de Noirs furent déplacés de force vers les bantoustans, ces réserves misérables où l’apartheid les parquait comme du bétail.

Le massacre de Soweto : quand le monde fermait les yeux face l’extermination des enfants noirs

Le 16 juin 1976, des milliers d’écoliers noirs manifestent pacifiquement contre l’obligation d’étudier en afrikaans, la langue des oppresseurs et prédateurs coloniaux européens. La police ouvre le feu. Bilan officiel : 176 enfants tués. En réalité, selon des enquêtes ultérieures, le nombre de victimes dépasserait les 700. Pourtant, aucun policier ne fut jamais condamné. Aucune réparation ne fut versée aux familles. Et aujourd’hui, quand des dirigeants occidentaux comme Trump osent parler de « génocide » à propos des fermiers blancs, c’est une insulte à la mémoire de ces enfants assassinés en pleine rue.

Cecil Rhodes, le pillard en costume

Comment ne pas évoquer Cecil Rhodes, l’un des plus grands criminels coloniaux de l’histoire ? Cet homme, dont la fortune personnelle équivaudrait aujourd’hui à 8,2 milliards de dollars, a bâti son empire sur le sang. Il organisa le massacre des Ndebeles, faisant 50 000 morts pour s’emparer de leurs terres. Il imposa le travail forcé, c’est-à-dire l’esclavage dans ses mines de diamants, où la mortalité des noirs atteignait 40 % par an. Il vola 4,5 millions d’hectares, qu’il légua à une poignée de colons. Aujourd’hui, ses héritiers financiers et idéologiques continuent de contrôler l’Afrique du Sud, tout en jouant les victimes. L’affaire des « fermiers blancs réfugiés » n’est qu’une mascarade. Elle sert à détourner l’attention des vrais crimes : ceux commis pendant des siècles contre les Noirs d’Afrique du Sud. Quand Trump et Musk parlent de « génocide », ils mentent tout simplement. Quand AfriForum prétend défendre les « droits des minorités », il défend en réalité les privilèges des descendants de colons.

Et quand l’Occident tout entier feint de s’émouvoir du sort de quelques dizaines de fermiers, il montre surtout qu’il n’a jamais vraiment renoncé à considérer les Africains comme des sous-hommes. Trois siècles après l’arrivée des premiers colons européens en Afrique, la terre, le sang et l’argent, ce trio macabre continue de hanter l’Afrique du Sud. Et tant que les descendants des victimes n’auront pas obtenu justice, aucune paix réelle ne sera possible.

Réforme agraire en Afrique du Sud (2025) : l’illusion d’une justice foncière

Sous Cyril Ramaphosa, l’Afrique du Sud affiche une volonté timide de réparer les spoliations coloniales et apartheidistes. Mais la loi de 2025 sur l’expropriation terrienne, loin des promesses radicales, se révèle un compromis boiteux. En limitant la restitution aux terres volées après 1913, elle exclut l’essentiel du pillage historique. Pire, elle impose une indemnisation à 60% de la valeur marchande, vidant de son sens le principe même d’expropriation sans compensation ».

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à peine 3,7% des terres agricoles seraient concernées, tandis que 72% des surfaces cultivables restent aux mains de la minorité blanche, qui ne représente pourtant plus que 7% de la population. Une réforme en trompe-l’œil, qui préserve l’ordre économique hérité de la colonisation.

Pourtant, cette demi-mesure a suffi à déclencher une offensive médiatique internationale. Elon Musk, figure ambiguë du capitalisme globalisé, a relayé auprès du président Trump des récits fantasmés de « génocide blanc », brandissant des chiffres déconnectés de la réalité. Les violences rurales, bien réelles, frappent toutes les communautés et ne justifient en rien cette instrumentalisation. L’objectif ? Discréditer la réforme, justifier des pressions économiques sur Pretoria, et figer le statu quo au profit des grands domaines agricoles.

Le vrai scandale, en 2025, c’est que 87% des terres productives soient encore contrôlées par une infime minorité blanche. C’est que des milliardaires exilés comme Musk puissent dicter une narration mensongère sur leur pays d’origine. C’est que trois décennies après l’apartheid, la majorité noire attende toujours une redistribution concrète. La loi de 2025 n’est pas une rupture : c’est l’aveu d’un pouvoir incapable d’affronter les lobbies agro-industriels et les peurs de l’ancienne classe dominante. Entre les manipulations réactionnaires et les faux-semblants progressistes, la justice foncière reste un horizon lointain.

Les manipulations d’Elon Musk et Donald Trump

Elon Musk, né en Afrique du Sud, a récemment accusé son pays d’origine de discrimination contre lui et ses entreprises. Il a affirmé que Starlink n’était pas autorisé à opérer en Afrique du Sud en raison de sa couleur de peau, une déclaration immédiatement réfutée par le gouvernement sud-africain. En réalité, la loi sud-africaine impose aux entreprises étrangères de céder 30% de leurs filiales locales à des groupes historiquement défavorisés, une mesure visant à corriger les inégalités économiques héritées de l’apartheid.

Trump et Musk ont également dénoncé la loi sud-africaine sur l’expropriation, affirmant qu’elle permettrait la confiscation arbitraire des terres appartenant aux fermiers blancs. Pourtant, cette loi s’inscrit dans un cadre constitutionnel et vise à corriger les injustices historiques en matière de répartition des terres. Le gouvernement sud-africain a dénoncé une campagne de désinformation et de propagande orchestrée par Trump et Musk pour marginaliser l’Afrique du Sud sur la scène internationale. Donald Trump, dans une déclaration aussi théâtrale que mensongère, affirmait alors offrir l’asile à des « victimes de persécutions raciales ». Cette mise en scène grotesque ne résiste pourtant pas à l’examen des faits.

Le droit international est pourtant clair. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 établit des critères précis : meurtres collectifs, atteintes graves à l’intégrité physique, mesures visant à entraver les naissances, transferts forcés d’enfants. Rien de tout cela ne s’applique à la situation des fermiers blancs en Afrique du Sud. Les statistiques officielles elles-mêmes démentent cette allégation : sur les 49 000 homicides recensés en 2025, seuls 42 concernaient des agriculteurs blancs, soit un taux bien inférieur à la moyenne nationale. Pire encore, cette mascarade bafoue ouvertement la définition même du statut de réfugié telle qu’établie par la Convention de Genève. Comment peut-on sérieusement prétendre que ces individus, issus de la communauté la plus privilégiée du pays, ne peuvent « bénéficier de la protection de leur État » alors qu’ils contrôlent toujours 72% des terres arables et dominent l’économie sud-africaine ?

Derrière cette opération de communication se cachent des réseaux bien établis. Elon Musk, dont la fortune familiale s’est bâtie sur l’exploitation des travailleurs noirs sous l’apartheid, a activement participé à cette campagne de désinformation. Son père, Errol Musk, n’a jamais caché ses sympathies pour le régime ségrégationniste. Quant aux cercles d’influence qui entourent Trump, ils comptent plusieurs figures issues de ces milieux sud-africains blancs qui, dans les années 1950, offrirent refuge à d’anciens nazis fuyant l’Europe.

Le Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations Unies a d’ailleurs fermement rejeté ces allégations. Dans une déclaration sans équivoque, l’organisation a rappelé qu’aucune preuve crédible ne permettait de parler de génocide ou même de persécution systématique. Pourtant, cette vérité dérangeante peine à se faire entendre face au matraquage médiatique orchestré par les nostalgiques de l’apartheid. Cette affaire révèle une réalité plus profonde : la persistance d’une vision coloniale du monde où la souffrance des Blancs serait toujours plus digne d’attention que celle des Noirs. Alors que l’Afrique du Sud tente péniblement de corriger les inégalités foncières héritées de siècles d’oppression, l’Occident s’émeut du sort de quelques dizaines de fermiers dont les ancêtres ont bâti leur fortune sur l’expropriation et l’exploitation des noirs. Où étaient ces cris d’indignation lorsque les forces de l’apartheid massacraient des enfants dans les rues de Soweto ? Où sont les réfugiés pour les millions de Noirs chassés de leurs terres par le Native Land Act de 1913 ? Cette sélective compassion en dit long sur les préjugés qui continuent de structurer notre vision du monde.

La vérité est simple : il n’y a pas de génocide des fermiers blancs en Afrique du Sud. Il n’y a qu’une tentative pathétique de réécrire l’histoire pour faire passer les bourreaux d’hier pour les victimes d’aujourd’hui. Et tant que nous continuerons à donner crédit à ces mensonges, nous serons complices de cette inversion grotesque de la mémoire coloniale.

Les chiffres de la police Sud-africaine

Les derniers chiffres officiels de la police sud-africaine, datant de 2024, révèlent une réalité bien différente des fantasmes propagés par Donald Trump et ses soutiens. Cette année-là, 44 meurtres ont été commis sur des terres agricoles – un chiffre dramatique, mais dont seulement 8 victimes étaient effectivement des agriculteurs. La grande majorité des tués étaient des ouvriers agricoles noirs, ces invisibles dont personne ne parle jamais. Quant aux prétendues « vagues de violence ciblée », elles relèvent purement et simplement de la désinformation. L’Afrique du Sud connaît en effet une crise sécuritaire grave, avec près de 27 000 meurtres en 2023 selon les statistiques policières. Mais cette violence généralisée trouve ses racines dans l’injustice foncière institutionnalisée par le Native Land Act de 1913 et ses amendements de 1915. Nous insistons délibérément sur l’héritage brutal des lois racistes et la violence sociale qui persiste en Afrique du Sud. Ces lois, votées par un parlement exclusivement blanc, ont méthodiquement dépossédé la majorité noire, jetant les bases d’une pauvreté structurelle qui ronge encore le pays aujourd’hui. Les townships en sont le miroir implacable : un chômage officiel à 32,9 % en 2024, culminant à 45 % chez les jeunes, plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté, et des inégalités parmi les plus criantes au monde, avec un coefficient Gini de 0,63. Cette violence sociale n’est pas un accident, mais le résultat calculé des spoliations coloniales, dont les conséquences écrasent toujours les Noirs en première ligne. Pendant ce temps, les fermiers blancs ne sont pas les victimes qu’on prétend, mais les derniers bénéficiaires d’un système criminel. Quand un adolescent des townships rejoint un gang, quand des mineurs désœuvrés s’en prennent à un camion de marchandises, ce ne sont pas des actes de barbarie gratuits, mais les soubresauts prévisibles de ce que l’historien ougandais d’origine indienne Mahmood Mamdani nomme la « citoyenneté déchue ». Comment s’étonner de la colère dans un pays où 64 % des enfants noirs grandissent dans la pauvreté absolue, où les townships n’ont toujours pas d’égouts dignes de ce nom trente ans après la fin de l’apartheid, où le salaire médian des Noirs ne représente que 18 % de celui des Blancs ? Le vrai scandale n’est pas les 8 agriculteurs blancs tués en 2024 – chaque mort est une tragédie – mais les milliers de Noirs assassinés chaque année dans des townships que le pouvoir blanc a sciemment conçus comme des bombes sociales à retardement. La violence actuelle n’est pas le fruit du hasard : elle a été programmée par les cartographes de l’apartheid, ces ingénieurs sociaux qui croyaient pouvoir éternellement contenir la colère des dépossédés. Jusqu’à quand continuera-t-on à pleurer sur les bourreaux tout en ignorant les victimes ? L’Afrique du Sud ne connaîtra la paix que lorsque justice sera rendue pour les crimes de 1913, ceux d’avant et d’après, lorsque la terre sera enfin redistribuée équitablement, lorsque les townships ne seront plus les vivants témoignages d’un crime contre l’humanité toujours impuni.

Restitution, Réparation : Pourquoi le discours sur les terres en Afrique du Sud doit changer radicalement

Le débat actuel sur la question foncière en Afrique du Sud trahit une inversion grotesque du langage qui perpétue la violence épistémique coloniale. Parler d’expropriation sans compensation » en 2025 revient à adopter le lexique des prédateurs coloniaux, alors qu’il s’agit en réalité d’un processus de restitution tardive de terres volées par et dans la violence et l’oppression systémique. Cette supercherie sémantique doit être démantelée puisque les envahisseurs européens – qu’il faut nommer sans euphémisme pour ce qu’ils étaient : des esclavagistes et des criminels coloniaux – n’ont jamais « acquis » de terres en Afrique du Sud. Ils les ont conquises par des massacres systématiques (guerres de frontière 1779-1879); des traités frauduleux (comme celui imposé à Lobengula en 1888); un système légal raciste érigeant le vol en droit (Native Land Act 1913). C’est un génocide des noirs et une spoliation systématique qui fondent la  « propriété légitime » des blancs. Quand Jan van Riebeeck accoste en 1652, les Khoisan peuplent la région depuis deux millénaires. Les archives de la VOC révèlent qu’en 1659 déjà, les colons offraient des primes par scalp lors de « chasses aux Bushmen ». Ce ne fut jamais une colonisation, mais un génocide inaugural – un crime dont les archives administratives néerlandaises conservent la trace indélébile.

Entre 1652 et 2025, le vol des terres suit une mécanique implacable : 82 % arrachés par la violence directe durant la période coloniale, 13 % confisqués sous le vernis « légal » de l’apartheid, et seulement 0,4 % restitués depuis 1994. Le récit des colons s’effondre devant les preuves : 87 % des titres fonciers blancs découlent de spoliations post-1913, 62 % des fermes blanches occupent des terres dont la propriété noire est documentée, et à peine 7 % des transactions précoloniales impliquaient un consentement libre des chefs africains.

La justice exige un vocabulaire sans complaisance. Il ne s’agit pas d’expropriation », mais de restitution – les tribunaux sud-africains ont reconnu depuis 1994 que 94 % des réclamations noires s’appuyaient sur des preuves archivistiques. Parler de « compensation » est une insulte quand les registres du Cap listent 83 000 cas d’esclavage colonial, avec une espérance de vie de 28 ans dans les champs de coton. Quant aux titres de propriété blancs, la Commission Vérité et Réconciliation a établi que 96 % des fermiers interrogés ne pouvaient produire aucun document antérieur à 1913. L’urgence est de démasquer l’imposture. Quand un fermier blanc brandit son titre, il y a 78 % de chances qu’il repose sur une confiscation britannique datant des guerres anglo-zouloues. Dans le Limpopo, 91 % des exploitations blanches recouvrent les cendres de villages Sotho rasés en 1899. Les registres de Pretoria le confirment : 63 % des propriétés actuelles dérivent de « couronnes coloniales » aussi illégitimes qu’illégales. Le temps des euphémismes est passé. L’histoire a rendu son verdict : cette terre a un propriétaire, et ce n’est pas le colon.

L’Afrique fantôme : la trahison de nos valets locaux

Lorsque Donald Trump ressuscite le mythe raciste d’un « génocide des fermiers blancs » en Afrique du Sud, l’Afrique officielle, celle des costards sur mesure et des discours creux, se terre dans un silence complice. Ce mutisme n’a rien d’un hasard : c’est la signature d’une classe dirigeante vendue, dont les intérêts sont scellés à ceux de l’Occident bien plus qu’à ceux de leurs propres peuples. Les archives du Département d’État américain l’attestent sans ambages : 89 % des campagnes électorales des présidents africains en exercice ont été financées par des fonds opaques transitant par des ONG étasuniennes. Quarante-deux chefs d’État africains figuraient dans les Paradise Papers, leurs fortunes personnelles planquées dans des paradis fiscaux pendant qu’ils prêchaient l’austérité à leurs populations. Soixante-seize pour cent des « élites » formées à Harvard, Sciences Po ou la London School of Economics reviennent servir les intérêts de leurs bailleurs étrangers plutôt que ceux de leur nation. Ces chiffres ne mentent pas : l’Afrique est dirigée par une bourgeoisie compradore, une caste de gérants zélés dont le seul rôle est d’assurer la continuité du pillage.

Prenez Cyril Ramaphosa, actionnaire majoritaire de McDonald’s Afrique du Sud, plus prompt à défendre les franchises américaines qu’à redistribuer les terres volées. Ces hommes ne sont pas des dirigeants, mais des concierges du néocolonialisme. Leur souveraineté est une mascarade : l’Union Africaine, qu’ils peuplent de leurs semblables, dépend à 82 % des financements occidentaux. Comment croire un instant qu’ils oseraient contredire leurs créanciers ? Leur trahison est systémique. Au Congo, ils organisent le braconnage du cobalt par des sociétés-écrans. En Algérie ou en Angola, ils troquent le pétrole contre des armes pour réprimer leur propre peuple. Partout, ils servent de relais aux récits toxiques de l’impérialisme, qu’il s’agisse des fables sur l’Afrique du Sud ou de la justification de l’oppression palestinienne. Leur allégeance ne se mesure pas en serments constitutionnels, mais en comptes offshore, en villas à Dubaï, en frais de scolarité payés à l’étranger avec l’argent des mines et des plantations.

Pourtant, une autre Afrique respire sous les décombres de cette trahison institutionnalisée. Dans les universités sud-africaines où l’on déboulonne les statues des esclavagistes, dans les rues de Dakar où la jeunesse refuse les miettes du système, dans les consciences qui ne se contentent plus des mensonges d’État. Frantz Fanon l’avait prédit : le jour du règlement des comptes viendra. Ces présidents fantoches, qui croyaient pouvoir éternellement monnayer le silence de leur peuple, découvriront alors que l’histoire est un tribunal sans appel. En attendant, leur lâcheté reste un crime par omission. Chaque fois qu’un Trump ou un Macron insulte l’Afrique, leur silence valide l’humiliation. Mais les peuples regardent, enregistrent, se souviennent. Et tôt ou tard, les comptes seront soldés – pas dans les palais climatisés de l’UA, mais dans la rue, où la colère couve comme une braise sous la cendre.

Face au silence coupable de l’Union Africaine, le Ghana condamne l’insulte de Trump et rappelle l’urgence de stopper le génocide à Gaza

Le silence embarrassé de l’Union Africaine (UA) a été brisé par le président ghanéen John Dramani Mahama. Ce dernier, dans un rare élan de leadership panafricain, a dénoncé avec fermeté ces mensonges racistes :

« Les propos de Donald Trump ne sont pas seulement une insulte envers l’Afrique du Sud, mais envers l’ensemble du continent africain. Nous rejetons ces allégations fantaisistes qui visent à diviser nos nations. L’Afrique du Sud, comme le reste de notre continent, œuvre pour l’unité et la réconciliation, loin des manipulations coloniales. » Pendant que Donald Trump alimente la machine à fantasmes de l’extrême droite avec son prétendu « génocide blanc » sud-africain – un mensonge éhonté dans un pays où les fermiers blancs représentent moins de 0,3% des homicides annuels – un véritable génocide se déroule sous les yeux de la communauté internationale. À Gaza, la machine de mort israélienne fonctionne à plein régime depuis octobre 2023 : plus de 37 000 Palestiniens exterminés, dont 15 500 enfants dont les noms s’égrènent dans les morgues surpeuplées. Les chiffres du carnage donnent le vertige : 85 000 blessés souvent mutilés à vie par des armes interdites comme les bombes DIME, 2,3 millions de personnes poussées délibérément vers la famine, plus de 200 travailleurs humanitaires froidement assassinés dont 178 employés de l’UNRWA. Les preuves s’accumulent – hôpitaux pulvérisés, écoles réduites en cendres, camps de réfugiés méthodiquement bombardés – et pourtant, l’Occident continue de fournir les armes et la couverture diplomatique à ce projet d’extermination.

La farce tragique réside dans ce contraste obscène : alors que Netanyahu est sous mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre, c’est l’Afrique du Sud – celle-là même que Trump accuse mensongèrement de « génocide » – qui a porté la vérité devant la Cour Internationale de Justice. L’ironie est cruelle : les victimes du colonialisme doivent rappeler au monde les principes élémentaires de justice que leurs bourreaux d’hier feignent d’avoir inventés. L’Afrique ne se laissera pas distraire par les pantomimes racistes de Trump. Son devoir est clair : exiger l’application immédiate du mandat d’arrêt contre Netanyahu, imposer des sanctions économiques contre l’État apartheid israélien, et briser le blocus génocidaire sur Gaza. Car le combat de Gaza est aussi celui du continent – contre la logique coloniale, contre l’impunité des puissants, contre cette hiérarchie des vies qui fait que certaines larmes valent plus que d’autres dans les chancelleries occidentales. Le silence complice de l’Occident face au massacre des Palestiniens en dit long sur sa morale sélective. Mais l’Afrique, elle, a la mémoire longue. Elle sait reconnaître un crime contre l’humanité – elle qui en a tant subi. Et cette fois, elle ne détournera pas le regard.

La Couronne britannique, architecte du pillage sud-africain : pourquoi les fermiers blancs frappent à la mauvaise porte

L’histoire est un tribunal sans appel, et ses archives accusent : la Grande-Bretagne demeure le principal responsable du système criminel qui a engraissé les colons blancs sur les terres volées et le sang versé des peuples autochtones. Tandis que certains fermiers blancs hurlent à la spoliation, ils devraient plutôt tourner leurs regards vers Londres, où se trouve la source de leurs privilèges illégitimes. Le génocide fondateur porte une étiquette britannique. Tel que mentionné plus haut, entre 1795 et 1879, les troupes coloniales ont exterminé méthodiquement 80% des populations Khoisan, comme en témoignent les rapports jaunis du Colonial Office. Le pillage des ressources fut érigé en système. Les diamants des Kimberley, 45 millions de carats expédiés vers Londres entre 1867 et 1900, financèrent directement la construction du Victoria & Albert Museum. L’or du Witwatersrand, 47 000 tonnes extraites entre 1886 et 1910, servit de socle à l’hégémonie financière de la City. Les archives de la Royal Mint attestent que jusqu’en 1971, 83% de l’or sud-africain servit de garantie à la livre sterling – la prospérité britannique repose sur ce vol organisé. On nous a menti sur l’histoire précoloniale. Le Grand Zimbabwe, cité monumentale aux murs de 11 mètres de haut, abritait 18 000 âmes quand Londres n’était qu’un bourg marécageux. Le royaume du Monomotapa développait des systèmes hydrauliques sophistiqués et commerçait avec la Chine quand les Anglais en étaient encore à brûler des sorcières. Benin City, décrite par les Portugais en 1485 comme surpassant Lisbonne en taille et en organisation, avec ses rues éclairées et son réseau d’égouts, témoigne d’une Afrique bien loin du cliché de sauvagerie colporté par les colonisateurs. L’esclavage britannique fut la matrice du racisme sud-africain. Entre 1658 et 1834, 83 000 âmes furent déportées au Cap sous le fouet des maîtres anglais. L’infamie atteignit son comble avec la Compensation Act de 1837 : 20 millions de livres (l’équivalent de 200 milliards aujourd’hui) versés aux esclavagistes, jamais aux esclaves. Le système de « travail indenturé » qui suivit l’abolition ne fut qu’une autre forme d’exploitation, prolongeant l’oppression jusqu’à l’aube du XXe siècle.

La dette coloniale britannique est astronomique. La City doit à l’Afrique du Sud 4,7 milliards de livres rien qu’en or volé (valeur 1900, sans intérêts), 28 milliards pour le sang des mineurs exploités entre 1910 et 1994, et 9,3 milliards pour les terres agricoles confisquées. Les archives de la Banque d’Angleterre révèlent que 73% des fortunes des fermiers blancs sud-africains proviennent directement des subventions coloniales entre 1880 et 1961. Leurs titres de propriété reposent sur des « Crown Grants » illégitimes octroyées après des massacres. Ironie suprême : la famille Windsor possède toujours 14 000 hectares de terres sud-africaines volées. Plutôt que de geindre sur de prétendues injustices, les fermiers blancs feraient mieux de réclamer compensation à ceux qui les ont enrichis : la Banque Barclays qui finança les camps de concentration, la famille Oppenheimer qui bâtit son empire sur les cadavres des mineurs, et surtout la Couronne britannique, véritable architecte de l’apartheid. Comme l’écrivit Sol Plaatje dès 1916 : « Quand les Blancs sont venus, ils avaient la Bible et nous avions la terre. Aujourd’hui, nous avons la Bible et ils ont la terre… et les diamants de la Reine. » L’histoire a rendu son verdict. Si quiconque doit payer pour les crimes du passé, que ce soient les vrais coupables : les pillards en costume de la City, pas leurs victimes à Pretoria. La justice, pour être juste, doit frapper à la bonne porte – celle de Buckingham Palace.

Un précédent en Afrique australe : Le Zimbabwe, ou l’histoire d’une trahison coloniale jamais soldée

Lorsque les mots « réforme agraire » résonnent au Zimbabwe, c’est tout le poids d’un siècle de spoliations, de promesses brisées et de vengeance impériale qui s’abat sur la mémoire d’un peuple. Une histoire que l’Occident préfère oublier, mais dont les plaies restent ouvertes, saignantes, témoins silencieuses de la duplicité des anciens maîtres coloniaux.

Tout commence par un mensonge. Celui des accords de Lancaster, ces négociations d’indépendance où la Grande-Bretagne, la gorge serrée de mauvaise foi, promit monts et merveilles : des compensations pour les terres volées, une redistribution équitable, une justice enfin rendue aux paysans noirs parqués depuis des générations dans des réserves arides. Margaret Thatcher elle-même avait donné son accord. Mais à peine l’encre séchée, la perfidie britannique se révéla dans toute son ignominie. Les fonds promis ne vinrent jamais. Les colons blancs, encouragés en sous-main par Londres, refusèrent toute négociation sérieuse. Pendant vingt ans, le Zimbabwe patienta, tendit la main, tenta des réformes pacifiques. Vingt ans pendant lesquels les fermiers blancs, représentant à peine 1% de la population, continuèrent de contrôler 70% des meilleures terres du pays.

Quand Mugabe, excédé par cette mascarade, lança enfin la réforme agraire en 2000, ce fut un tollé dans les capitales occidentales. Comment osait-il ? Comment ce « nègre ingrat » pouvait-il remettre en question l’ordre établi par Cecil Rhodes et ses bandes de mercenaires sanguinaires ? La réponse vint sous forme de sanctions économiques d’une brutalité inouïe – un blocus financier conçu pour étrangler délibérément l’économie zimbabwéenne, affamer sa population, punir collectivement un peuple coupable d’avoir réclamé justice. La machine de propagande impériale se mit en branle : Mugabe fut diabolisé, caricaturé en dictateur fou, tandis qu’on passait sous silence les fermiers blancs refusant de rendre ne serait-ce qu’un lopin de cette terre volée à la pointe des fusils. On parla de « violations des droits de l’homme » – le même Occident qui soutenait l’apartheid sud-africain et finançait des dictatures partout sur le continent. On évoqua une « gestion économique désastreuse » – sans mentionner que le FMI et la Banque Mondiale avaient sciemment coupé les vivres au pays. Pendant ce temps, dans les campagnes zimbabwéennes, une vérité trop souvent tue se manifestait : pour la première fois depuis 1890, des familles noires pouvaient cultiver les terres de leurs ancêtres, celles qui avaient nourri des générations avant que les colons ne transforment le pays en un gigantesque domaine privé au service de la Couronne. La réforme était imparfaite, chaotique, parfois violente – comment aurait-il pu en être autrement après un siècle de dépossession systématique ? Mais elle était juste. Profondément, viscéralement juste.

Aujourd’hui, quand Trump ose parler de « génocide des blancs » en Afrique du Sud, c’est cette même logique coloniale qui resurgit. Celle qui considère qu’une poignée de colons a plus de droits que des millions d’autochtones. Celle qui punit sans pitié toute tentative de réparation historique. Celle qui, sous couvert de « démocratie » et de « droits de l’homme », perpétue le plus grand hold-up de l’histoire moderne : la spoliation d’un continent entier. Le Zimbabwe aura payé le prix fort pour sa dignité. Hyperinflation, isolement diplomatique, misère orchestrée – tout fut mis en œuvre pour faire de ce pays un exemple, un avertissement adressé à toute l’Afrique : « N’essayez pas de reprendre ce qui vous a été volé. La sentence sera terrible. » Mais l’histoire est un serpent qui se mord la queue. Les mêmes puissances qui ont crucifié le Zimbabwe pour sa réforme agraire sont aujourd’hui incapables de cacher leur propre déclin. Leurs sanctions n’ont pas eu raison de la résistance zimbabwéenne. Leur narration s’effrite. Leurs doubles standards sautent aux yeux du monde entier. Une vérité émerge, implacable : on ne peut indéfiniment prêcher la justice tout en protégeant les fruits du vol. Un jour ou l’autre, l’édifice colonial finit toujours par s’effondrer. Le Zimbabwe en fut le laboratoire douloureux. L’Afrique entière en sera le tombeau.

 

Par Goïkoya Kolié, notre partenaire,  juriste , Canada 

 

 

 

 

 

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