Gabon : Le Général Brice Oligui Nguema, entre promesse et tentation du pouvoir

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Le général Brice Oligui Nguema a surpris l’opinion publique en annonçant son intention de se présenter aux élections présidentielles du Gabon, après avoir pris le pouvoir lors d’un coup d’État en août 2023, mettant ainsi fin à plus de cinq décennies de règne de la famille Bongo.

Ce retournement de situation soulève de nombreuses interrogations et remet en question les promesses faites par les militaires de restaurer la démocratie et de rendre le pouvoir aux civils. À travers ce geste, le général Oligui Nguema s’inscrit dans une dynamique bien plus large que celle de son seul pays : une tendance inquiétante des militaires africains à piétiner les engagements qu’ils prennent lors des transitions politiques.

Lors de son ascension au pouvoir, Brice Oligui Nguema avait assuré qu’il n’avait pas l’intention de s’éterniser au pouvoir et que son rôle se limitait à organiser des élections démocratiques et à restaurer l’ordre constitutionnel. Un an plus tard, ses ambitions semblent avoir changé, et cette évolution soulève une question fondamentale : pourquoi un homme de parole, de principe, pourrait-il succomber à la tentation du pouvoir au point d’envisager une présidence ?

Le goût du pouvoir, comme le disait Léopold Sédar Senghor, peut en effet transformer des hommes de convictions en dirigeants obsédés par leur propre maintien en place, quitte à oublier les engagements qu’ils avaient pris.

Les promesses de retour à la démocratie et à l’État de droit faites par Oligui Nguema ne sont pas isolées. D’autres militaires ayant pris le pouvoir en Afrique ces dernières années suivent une trajectoire similaire. Ibrahima Traoré au Burkina Faso, Assimi Goïta au Mali, Mamadi Doumbouya en Guinée et  Abdourahamane Tiani au Niger, ont tous, à un moment ou à un autre, évoqué un retour rapide à un gouvernement civil, avant de se conforter à des postes de pouvoir, voire de refuser de se retirer comme prévu.

Cette logique présente une dimension inquiétante : les militaires qui se veulent les réformateurs de la scène politique se retrouvent souvent transformés en régents de leurs nations, piégés par leur propre autorité.

L’enchaînement des coups d’État en Afrique, souvent justifiés par la violation des constitutions et l’inefficacité des gouvernements civils, soulève des questions sur le rôle et la place des militaires dans les transitions politiques. Les présidents civils, accusés de corrompre et de dilapider les ressources publiques tout en accaparant le pouvoir, ont souvent conduit leurs peuples à l’insurrection. Mais une fois en place, les militaires, porteurs de l’espérance populaire, semblent se rendre coupables des mêmes travers. Leur échec à respecter les promesses faites au peuple est un coup dur pour la démocratie en Afrique.

Derrière cette dynamique se trouve un problème de fond : la structure même des constitutions africaines. À bien des égards, ces constitutions sont conçues pour garantir l’équilibre des pouvoirs, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, tout en prévoyant des mécanismes de contrôle.

 

Cependant, elles ne semblent pas avoir prévu la résilience du pouvoir militaire ni les réalités de la gouvernance dans un contexte africain.

De nombreuses constitutions africaines sont systématiquement violées, souvent au nom de la stabilité nationale, du développement économique ou de la continuité de l’État, mais dans le fond, elles sont ignorées par ceux qui devraient les protéger.

Faut-il alors repenser la conception des constitutions africaines pour les adapter aux réalités de nos sociétés et de nos contextes politiques ? Devons-nous continuer à appliquer des règles créées dans un autre contexte historique, qui ne prennent pas en compte la forte fragilité des institutions africaines et les risques liés à l’impunité des dirigeants ?

Cette question mérite d’être posée, car si les constitutions africaines ne sont pas respectées par les dirigeants élus ou militaires, c’est toute l’architecture politique du continent qui se trouve remise en question.

Quel avenir pour l’Afrique ? Si le goût du pouvoir continue de pousser les militaires à violer leurs engagements de retour rapide à la démocratie, cela pourrait bien ouvrir la voie à un cycle sans fin de coups d’État et de transitions militaires.

L’unité africaine, les réformes politiques et les droits humains risquent alors de se retrouver mis à mal. Il est essentiel de réfléchir à des réformes institutionnelles profondes, de manière à renforcer la gouvernance, le respect de la Constitution et la véritable démocratie.

La voix des peuples africains doit compter, non seulement lors des élections, mais aussi dans la conception de mécanismes politiques pérennes et respectueux des engagements pris par ceux qui aspirent à la diriger.

 

Dans ce contexte, les dirigeants militaires doivent se rappeler que la vraie force d’un leader réside dans sa capacité à rendre le pouvoir au peuple, à respecter ses engagements et à conduire son pays vers des élections libres et transparentes. C’est en mettant en place des transitions véritablement démocratiques que l’Afrique pourra sortir de ce cercle vicieux des coups d’État pour s’engager dans une ère de stabilité politique durable et de prospérité économique.

Minkael BARRY