Conakry suffoque sous le poids d’un phénomène qui prend des proportions alarmantes : l’invasion incontrôlée des motos-taxis conduits par des jeunes inexpérimentés qui transforment nos artères en véritables champs de bataille.

Cette situation, qui perdure depuis des années, constitue aujourd’hui une menace existentielle pour la sécurité routière dans la capitale guinéenne.
Comment peut-on tolérer plus longtemps que ces engins de mort sillonnent nos rues en toute impunité, bravant les règles les plus élémentaires du code de la route ?
Comment accepter que des conducteurs novices, souvent mineurs, prennent en otage la vie de milliers de citoyens chaque jour ? Il est temps de crier notre indignation face à cette anarchie qui a trop duré.
Dans les rues de Conakry, particulièrement dans la commune de Kaloum, centre névralgique administratif du pays, le spectacle est quotidiennement révoltant.
Ces motos-taxis roulent à contre-sens sans la moindre hésitation, comme si les panneaux de signalisation n’existaient pas.
Leurs conducteurs, animés d’une hâte maladive, ignorent superbement toute règle de circulation, doublant par la droite, par la gauche, zigzaguant entre les véhicules avec une témérité qui confine à la folie.
Aux grands carrefours, points névralgiques de la circulation, ces apprentis sorciers de la route ne ralentissent même pas pour vérifier l’arrivée d’autres véhicules.
Ils foncent tête baissée, se faufilant entre les camions, les bus et les « Magbaba » avec une inconscience qui glace le sang.
Leurs passagers, souvent des citoyens ordinaires contraints d’emprunter ce moyen de transport par nécessité, deviennent malgré eux des complices involontaires de cette roulette russe urbaine.
Mais le pire reste à venir. En haute banlieue, le spectacle devient carrément insoutenable.
Des conducteurs, pieds nus, en culotte, les yeux injectés de sang et empreints d’une arrogance déconcertante, sillonnent les routes avec à portée de main des bouteilles plastiques contenant des substances suspectes.
Ces mélanges douteux, consommés en pleine circulation, transforment ces jeunes en véritables bombes à retardement.
Comment peut-on accepter qu’une société permette à des individus sous l’emprise de stupéfiants de transporter des passagers ?
Comment tolérer que ces « cercueils ambulants » continuent à semer la terreur parmi les usagers de la route ?
L’État guinéen a-t-il perdu tout sens des responsabilités face à cette tragédie annoncée ?
Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tenté de réagir. Sous le régime d’Alpha Condé, le ministre de la Sécurité de l’époque, Alpha Ibrahima Keïra, avait eu la lucidité d’interdire la circulation de ces motos-taxis dans Kaloum, reconnaissant à juste titre qu’ils constituaient une menace potentielle pour la sécurité publique.
Cette décision courageuse témoignait d’une prise de conscience salutaire face à l’ampleur du danger.
À l’arrivée des militaires au pouvoir, la même interdiction avait été reconduite, confirmant ainsi que le problème transcende les clivages politiques.
Malheureusement, ces mesures sont restées des vœux pieux, des déclarations d’intention qui n’ont jamais été suivies d’une application rigoureuse sur le terrain.
À Kaloum, ces motos-taxis ne se contentent pas de violer le code de la route ; ils pratiquent également le harcèlement systématique des usagers.
Aux arrêts de taxis, ils se collent violemment aux citoyens qui cherchent des voitures, les harcelant pour qu’ils empruntent leurs motos contre leur volonté.
Cette pratique agressive transforme les espaces publics en zones de non-droit où la loi du plus fort prévaut.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et ils sont terrifiants. Combien de motos-taxis provoquent-ils des accidents graves avec leurs passagers chaque jour à Conakry ?
Il suffit de se rendre dans les plus grands centres hospitaliers de la capitale le CHU de Donka et Ignace Deen pour mesurer l’ampleur de cette tragédie.
Les services d’urgence de ces établissements peuvent témoigner de l’afflux quotidien de victimes de ces accidents évitables.
Chaque jour, des familles sont endeuillées, des vies brisées, des rêves anéantis par l’inconscience de conducteurs qui transforment nos routes en cimetières à ciel ouvert.
Cette hécatombe silencieuse ne peut plus être tolérée dans l’indifférence générale.
Mais le scandale ne s’arrête pas là. La police routière, censée faire respecter la loi, s’est transformée en complice objectif de cette anarchie.
Au lieu de sanctionner ces comportements dangereux, elle s’est muée en service de perception détourné, ne s’intéressant qu’à l’argent à soutirer aux contrevenants sans se préoccuper de l’étouffement des dégâts causés.
Cette corruption systémique transforme ce qui devrait être un service public de sécurité en une machine à cash qui ferme les yeux sur les violations les plus flagrantes en échange de quelques billets.
Cette complicité active de l’administration est un scandale dans le scandale.
Il est temps que le général Mamadi Doumbouya et son gouvernement prennent la mesure de cette catastrophe annoncée.
Le ministre de la Sécurité, le général Bachir Diallo, doit impérativement prendre le cas de ces motos-taxis au sérieux et agir avec la fermeté que la situation exige.
Il ne s’agit pas de supprimer purement et simplement ce secteur qui, reconnaissons-le, répond à un besoin réel de mobilité urbaine dans une ville où les transports publics sont défaillants.
Il s’agit de le réglementer de manière stricte et efficace, d’imposer des règles claires et de s’assurer de leur application rigoureuse.
La solution passe par une réglementation drastique qui impose des conditions strictes : âge minimum des conducteurs, formation obligatoire au code de la route, examens de conduite, assurance obligatoire, contrôles techniques réguliers, sanctions dissuasives en cas d’infraction.
Il faut s’assurer que ceux qui conduisent ces motos ne sont pas des enfants inconscients mais des hommes responsables, conscients de la vie humaine qu’ils transportent.
L’heure n’est plus aux demi-mesures ni aux déclarations d’intention. Chaque jour qui passe sans action concrète est un jour de plus où des vies sont mises en danger.
Les autorités guinéennes ont le devoir moral et légal de protéger leurs concitoyens de cette menace quotidienne.
Le peuple guinéen ne peut plus accepter que ses rues soient transformées en circuits de course mortels par des conducteurs irresponsables.
Il est temps de dire stop à cette anarchie qui tue et de restaurer la sécurité routière dans notre capitale. L’avenir de Conakry et la vie de ses habitants en dépendent.
La question n’est plus de savoir si il faut agir, mais quand et comment. Chaque minute d’hésitation peut coûter une vie. Il est urgent d’agir, avant qu’il ne soit trop tard.
Minkael Barry