Gouvernance locale en panne : quand les communes guinéennes survivent sans pouvoir ni moyens
Dans la Guinée d’aujourd’hui, la gouvernance locale semble condamnée à jouer les figurantes d’un théâtre national centralisé. Pourtant, ce sont les communes qui gèrent l’essentiel de la vie quotidienne : routes, eau, santé, sécurité, ordures, éducation. Mais dans les faits, elles n’ont ni les moyens, ni le pouvoir, ni le respect qu’exige leur rôle.
Et dans cette transition politique censée refonder l’État, les collectivités locales sont largement oubliées des grandes annonces, des grands chantiers, et des grands discours.
Une décentralisation sans respiration
Depuis la réforme des collectivités locales en 2006 et les élections communales de 2018, les espoirs étaient immenses. L’objectif était clair : rapprocher l’État du citoyen, permettre à chaque territoire de porter son propre développement, et renforcer la démocratie de proximité.
Mais sur le terrain, la réalité est tout autre : les communes sont sous-financées, sous-formées et sous-estimées.
Les rares fonds transférés par l’État arrivent tard, sont insuffisants et souvent affectés sans concertation. Les recettes propres des communes sont ridicules au regard des besoins. À Conakry comme à Gaoual, à Fria comme à Kérouané, les maires improvisent, les agents improvisent, et les populations s’impatientent.
Des chiffres qui parlent
Moins de 20 % des communes disposent d’un plan de développement local (PDL) actualisé.
70 % des communes rurales n’ont ni ingénieur, ni informaticien, ni agent technique permanent.
Les transferts budgétaires représentent moins de 3 % du budget national, loin des 15 % recommandés par les normes régionales.
La formation des élus locaux reste marginale, malgré les engagements de l’État et des partenaires.
Propositions pour une vraie gouvernance locale
Face à ce constat d’échec, il est temps de repenser sérieusement la décentralisation. Voici quelques propositions concrètes :
1. Renforcer les transferts financiers obligatoires aux communes, avec des critères transparents et vérifiables.
2. Mettre en place un fonds national d’investissement communal, alimenté par l’État et les partenaires techniques, destiné aux infrastructures de base (eau, écoles, routes, assainissement).
3. Former systématiquement les maires, secrétaires communaux et comptables, via une école nationale ou un institut spécialisé.
4. Créer des mécanismes de redevabilité locale : audits citoyens, panels de suivi, budget participatif, forums publics réguliers.
5. Inclure les communes dans la mise en œuvre de la transition, notamment dans le recensement, les campagnes électorales futures et la réforme de l’État.
Reconstruire l’État avec et par les communes
Refonder la Guinée sans ses communes serait une erreur stratégique, politique et historique. Car c’est dans les quartiers, les districts, les sous-préfectures et les communes que se joue la vraie reconstruction du pays.
La transition ne sera crédible que si les communes deviennent des piliers solides et visibles de la gouvernance. C’est là que se crée la confiance. C’est là que commence la citoyenneté. Et c’est là que doit battre le cœur d’une République réellement décentralisée.
Mamadou Diouldé Sow
Citoyen engagé pour une Guinée lucide, locale et responsable