Guinée : L’Atlas de l’industrie, un constat amer qui interroge l’action ministérielle

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 Le Ministère du Commerce, de l’Industrie et des PME vient de dévoiler, via ses canaux officiels, un « Atlas de l’Industrie », présenté comme une « cartographie inédite du tissu industriel national ». Cette initiative, inscrite dans le cadre du Programme Simandou 2040 et de la Politique Nationale de Développement Industriel, met en lumière un constat alarmant : 65 % des unités industrielles identifiées en Guinée opèrent sans autorisation légale d’implantation ou d’exploitation.

Le ministère promet d’accompagner ces acteurs vers la régularisation, afin de bâtir une industrie « plus forte, compétitive et porteuse de croissance ».

Si l’effort de cartographie est louable pour sa capacité à chiffrer l’ampleur du défi, il est difficile, pour une opinion publique guinéenne avertie, de ne pas percevoir une certaine ironie dans cette « découverte ».

En Guinée, il est malheureusement de tradition que les institutions dénoncent des problèmes qu’elles semblent, par leur inaction passée ou présente, avoir laissé prospérer.

Le taux écrasant de 65% d’unités informelles n’est pas une révélation soudaine. Il est le symptôme d’un laisser-aller persistant et d’un laxisme qui a caractérisé, pendant des décennies, la surveillance du secteur industriel. Qui, en Guinée, ignore l’existence d’industries clandestines, notamment dans la fabrication de produits alimentaires comme l’eau ou les jus, opérant en dehors de toute norme hygiénique ? Cette défaillance des contrôles a été maintes fois pointée du doigt par les médias locaux, alertant sur ses conséquences directes : une prolifération de maladies et une augmentation préoccupante des décès liés à la consommation de produits insalubres.

Les rues de Conakry offrent un spectacle quotidien de jus aux dates de péremption douteuses, produits dans des conditions incertaines et vendus sans scrupules, exposant les consommateurs à des risques sanitaires majeurs. L’exemple du « jus 24 heures », un temps interdit puis réautorisé sans garantie publique de conformité aux normes, illustre parfaitement cette culture de la complaisance et du manque de suivi rigoureux.

Le constat du ministère, aussi précis soit-il, ne peut masquer la question cruciale : quelles actions concrètes ont été menées pour endiguer ce fléau avant la publication de cet « Atlas » ? Le Programme Simandou 2040, bien que porteur d’espoir pour l’avenir, ne doit pas servir de paravent à l’urgence d’agir ici et maintenant.

La ministre actuelle du Commerce, de l’Industrie et des PME, Mme Diaka Sidibé, est en poste depuis février ou mars 2024. Il serait légitime de s’interroger sur les jalons posés par son département depuis sa prise de fonction pour s’attaquer à la racine de ce mal profond. Au-delà des diagnostics et des projections à long terme, la santé publique des Guinéens exige des mesures immédiates et coercitives contre ces industries clandestines qui empoisonnent la population.

La « dénonciation » ne doit pas se substituer à « l’action ». La crédibilité du ministère, et par extension de l’État, réside dans sa capacité à passer des constats aux sanctions et à l’accompagnement effectif vers la formalisation. Accompagner la régularisation est essentiel, mais cela doit s’accompagner d’une fermeté exemplaire vis-à-vis de ceux qui continuent de mettre en péril la santé des citoyens et de fausser la concurrence.

La promesse d’une industrie guinéenne « plus forte, compétitive et porteuse de croissance » ne peut se concrétiser si les bases mêmes de la légalité et de la salubrité sont ignorées. La santé du Guinéen est un enjeu qui ne saurait attendre les horizons lointains des programmes de développement. Il est temps que le ministère, comme d’autres entités étatiques, transforme ses rapports de diagnostic en feuilles de route d’actions implacables.

La rédaction 

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