Guinée : « On meurt de morts évitables », le cri d’alarme du Pr Hassane Bah

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 La Guinée traverse une crise sanitaire silencieuse mais dévastatrice. Les établissements hospitaliers du pays, dépourvus d’équipements essentiels, sont incapables d’assurer les soins de base, entraînant quotidiennement des décès qui auraient pu être évités.

L’alerte est venue du cœur même des institutions. Lors d’une séance plénière au Conseil national de la transition cette semaine, le Professeur Hassane Bah, président de la commission santé, a brisé le silence sur une réalité insoutenable : les Guinéens meurent faute d’équipements médicaux de base.

« Des vies s’éteignent en Guinée pour des pathologies parfaitement traitables ailleurs« , a martelé le médecin légiste, dénonçant une situation qu’il qualifie de tragédie nationale.

Son constat est sans appel : le système de santé guinéen agonise par manque de moyens.

L’établissement hospitalier Ignace Deen est le symbole d’une faillite systémique.

Cet hôpital de référence fonctionne sans scanner, avec une radiologie numérique défaillante et, plus alarmant encore, sans approvisionnement régulier en oxygène médical.

La centrale d’oxygène offerte par la Turquie vient tout juste d’être réparée après des mois d’immobilisation. Les travaux d’infrastructure sont achevés, mais les bouteilles d’oxygène manquent toujours cruellement.

La pénurie d’oxygène révèle l’absurdité mortifère du système actuel. Dans les services de réanimation, les patients plongés dans le coma doivent eux-mêmes financer leur oxygène thérapeutique.

Une impossibilité financière qui se transforme immédiatement en condamnation à mort. Quelle tragédie !

« Quand l’oxygène manque, le patient décède. C’est aussi simple et aussi tragique que cela », a expliqué le Professeur Bah, pointant du doigt la cause directe d’une mortalité hospitalière anormalement élevée dans le pays.

Les services d’urgence et de réanimation, censés être les remparts ultimes contre la mort, se révèlent aujourd’hui dangereusement sous-équipés pour accomplir leur mission fondamentale.

Les chiffres avancés par le Professeur Bah glacent le sang : l’hôpital Ignace Deen enregistre en moyenne entre dix et douze décès par jour. Une statistique qui témoigne non pas d’une fatalité, mais d’une défaillance collective silencieuse et insouciante.

Pire encore, la dignité des défunts est elle-même bafouée.

Selon Pr Bah, pendant la saison des pluies, les dépouilles mortelles sont exposées aux intempéries, la morgue saturée ne pouvant accueillir tous les corps.

Ainsi, les capacités limitées de la chambre froide transforment le deuil des familles en calvaire supplémentaire.

« Cette situation est indigne d’un pays comme la Guinée« , a tonné le parlementaire, réclamant une réaction immédiate des autorités.

L’intervention de Facinet Sylla, ministre du Budget, a mis en lumière le paradoxe déchirant que vit actuellement la Guinée.

Le pays mise sur des projets miniers pharaoniques comme Simandou, programmé pour 2040, attirant l’attention internationale et les investissements massifs.

« Le monde entier observe la Guinée en parlant de transformation économique. Mais si ces mêmes observateurs visitent nos hôpitaux et découvrent l’état d’Ignace Deen, ils parleront de supercherie. De quelle Guinée nous vantons-nous exactement ? », a interrogé le ministre avec une rare franchise.

Cette dissonance entre les ambitions économiques affichées et la réalité sanitaire vécue par les citoyens ordinaires soulève des questions fondamentales sur les priorités nationales et la redistribution des richesses futures. Face à ce réquisitoire accablant, le gouvernement a reconnu l’ampleur du désastre.

Facinet Sylla s’est engagé à ce que l’exécutif redouble d’efforts pour inverser la tendance.

« Nous avons pleinement conscience de la gravité de la situation », a-t-il déclaré devant les membres du CNT, promettant une approche méthodique calquée sur le style du président Mamadi Doumbouya lorsqu’il s’attaque aux problèmes sociétaux majeurs.

Reste à savoir si ces engagements se traduiront rapidement en actes concrets. Car pendant que les discussions se poursuivent dans les enceintes climatisées du CNT, des Guinéens continuent de mourir chaque jour dans des hôpitaux dépourvus du strict minimum.

Au-delà des promesses, ce sont des scanners, des bouteilles d’oxygène, des équipements de réanimation et des morgues dignes que réclament les hôpitaux guinéens. Ce sont des vies humaines qui sont en jeu, des vies qui ne peuvent attendre 2040 ni les retombées hypothétiques de Simandou.

Par Minkael Barry 

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