Ce mercredi 24 septembre, au palais de la Colombe, Bah Oury a livré une défense juridique technique pour justifier le maintien de son gouvernement.
Une posture qui, si elle peut sembler conforme à la lettre de la loi, interroge sur l’esprit démocratique qui devrait animer cette transition historique.
Le Premier ministre s’abrite derrière une lecture littérale du texte constitutionnel : « Dans aucun article de cette Constitution, il n’est dit que le gouvernement doit démissionner. »
Cette approche purement légaliste révèle une vision restrictive des conventions démocratiques. Car si les textes ne prévoient pas expressément cette démission, les usages républicains l’exigent pourtant.
L’adoption d’une nouvelle Constitution marque traditionnellement une rupture institutionnelle majeure. Elle redéfinit les règles du jeu politique, redistribue les pouvoirs et, par conséquent, questionne la légitimité des institutions existantes.
Maintenir un gouvernement nommé sous l’ancien ordre « constitutionnel », pardon, la Charte, revient à nier cette dimension fondatrice.
Bah Oury invoque la « stabilité » pour justifier sa position, dénonçant ceux qui « voudraient qu’il y ait des changements perpétuels ».
Cette rhétorique habile masque mal une réalité plus prosaïque : la volonté de conserver le pouvoir coûte que coûte.
La véritable stabilité démocratique ne réside pas dans la permanence des hommes, mais dans la solidité des institutions et le respect des transitions.
En s’accrochant à son poste, le Premier ministre confond stabilité institutionnelle et continuité personnelle, deux concepts diamétralement opposés.
Plus troublant encore, cette obstination à demeurer en fonction interroge sur la source de légitimité du gouvernement actuel.
Nommé sous l’empire de la Charte de la transition, dans le cadre d’une transition militaire, l’exécutif tire-t-il aujourd’hui sa légitimité du nouveau texte fondamental adopté par le peuple ?
Cette ambiguïté constitutionnelle crée un dangereux précédent. Elle suggère qu’un gouvernement peut naviguer entre deux ordres juridiques, choisissant celui qui l’arrange selon les circonstances.
Une pratique qui fragilise l’État de droit et brouille les repères démocratiques.
L’adoption de la nouvelle Constitution offrait pourtant une opportunité unique de refonder les institutions sur des bases renouvelées.
Former un nouveau gouvernement, même provisoire, aurait symbolisé l’entrée effective de la Guinée dans cette « nouvelle ère politique » tant vantée par les autorités.
Cette démission symbolique aurait également permis de dissiper les soupçons d’instrumentalisation du processus constitutionnel.
En refusant ce geste, Bah Oury alimente les critiques de ceux qui dénoncent un référendum taillé sur mesure pour pérenniser le pouvoir en place.
Dans les démocraties consolidées, à démocratie effective, l’adoption d’une nouvelle Constitution s’accompagne systématiquement d’un renouvellement des équipes gouvernementales.
Cette pratique, codifiée ou coutumière, traduit le respect du verdict populaire et la volonté de donner corps au changement institutionnel.
En Guinée, le choix de Bah Oury de s’arc-bouter sur une interprétation minimaliste du droit constitutionnel prive le pays de cette respiration démocratique.
Il transforme une victoire électorale en continuité administrative, vidant le référendum de sa portée transformatrice.
Cette posture du Premier ministre dessine les contours inquiétants d’une démocratie où les règles s’adaptent aux besoins du pouvoir.
Aujourd’hui, c’est l’absence de démission qui se justifie par le silence des textes. Demain, qu’est-ce qui empêchera d’invoquer ce même silence pour d’autres arrangements avec les principes démocratiques ?
La Guinée méritait mieux qu’une transition démocratique au rabais. Elle méritait des dirigeants capables de dépasser la lettre de la loi pour en incarner l’esprit. Le maintien de Bah Oury à la Primature constitue, à cet égard, un rendez-vous manqué avec l’Histoire.
Mamoudou Sako, Amiens, France