l’association des magistrats appelle ses membres à cesser toute activité –

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Le Conseil d’administration de l’association des magistrats de Guinée exprime son indignation et condamne la suspension des deux magistrats du Tribunal de première instance de Labé, par le ministre de la justice et des droits. Ce conseil indique que le garde des sceaux n’a ni la qualité pour interpréter une décision de justice, ni le droit de se substituer au Conseil supérieur de Magistrature (CSM), encore moins au législateur : «pour qualifier tendancieusement d’insuffisance professionnelle les décisions d’un Magistrat».

C’est pourquoi le conseil invite l’ensemble des Magistrats de Guinée, à cesser immédiatement toute activité sur toute l’étendue du territoire national, jusqu’à ce que les magistrats suspendus notamment Moussa CAMARA et Cé Avis GAMY, soient rétablis dans leurs fonctions respectives. Ci-dessous le communiqué

Le 16 août 2023, Le Conseil d’Administration de l’Association des Magistrats de Guinée (AMG) a constaté avec amertume et un préoccupant étonnement la publication sur les réseaux sociaux, d’actes de suspension de messieurs Moussa CAMARA et Cé Avis GAMY, respectivement juge au tribunal de première instance de Labé et substitut du procureur près ledit tribunal.

Ces actes de suspension non conformes à la loi, sont en lien étroit avec le jugement n°182 du 25 juillet 2023, rendu par le tribunal correctionnel de Labé, composé des Magistrats susnommés, dans l’affaire Ministère public et les héritiers de feu Abdourahamane DIALLO, représentés par mademoiselle Djeinabou DIALLO contre madame Asmaou Diallo, condamnée pour des faits d’abus de confiance, de faux et d’usage de faux.

« Monsieur le garde des sceaux, ministre de la Justice et des droits de l’homme ».,

nonobstant les voies de recours prévues dans le code de procédure pénale, a préféré prétentieusement prendre deux arrêtés de suspension, motivés par l’interprétation erronée, inique et incongrue de l’article 537 du code de procédure pénale, qui dispose : « dans le cas visé à l’article 535, premier alinéa, s’il s’agit d’un délit de droit commun et si la peine prononcée est au moins de 6 mois d’emprisonnement, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat de dépôt ou d’arrêt contre leprévenu… ».

Pour « monsieur le ministre des droits de l’homme » : « l’article 537 du code de procédure pénale exige à toutjuge, statuant en matière pénale, lorsqu ’il s’agit d ’un délit de droit commun, de respecter le quantum dç la peine (la peine prononcée au moins de six (6) mois d’emprisonnement) avant de décerner mandat de dépôt ou d’arrêt. ».

Il y a lieu de préciser que dans ce jugement, le tribunal de première instance de Labé  condamné dame Asmaou DIALLO à 1 an d’emprisonnement dont 10 mois assortis de sursis et a par conséquent, décerné mandat de dépôt à l’audience contre la condamnée, en application de l’article 537 sus-indiqué.

Pour tout esprit éclairé, il ressort de l’interprétation intelligente de l’article 537 que le tribunal peut décerner mandat de dépôt contre un prévenu libre dès lors que la peine d’emprisonnement prononcée est au moins de six (6) mois.

Il faut par ailleurs préciser qu’au sens de l’article 33 du code pénal, en matière correctionnelle, les peines sont essentiellement soit l’emprisonnement, soit l’amende, auxquelles peuvent s’ajouter des peines supplémentaires.

 

En termes simples, dans la procédure en question, le tribunal a non seulement condamné dame Asmaou DIALLO à un (1) an d’emprisonnement (ce qui dépasse le minimum de six (6) mois d’emprisonnement, prévu à l’article 537 susvisé) mais aussi, décidé d’assortir l’exécution d’une partie de cette peine d’un sursis.

En ce qui concerne le substitut du procureur près le tribunal de première instance de Labé, il lui est fait reproche d’avoir exécuté une décision de justice au motif, qu’appel a été interjeté contre celle-ci.

Le Conseil d’administration de l’AMG rappelle que c’est par méconnaissance notoire de l’article 590 du code de procédure pénale, qui dispose : «pendant les délais d’appel, à l’exception du délai prévu à l’article précédent, et durant l’instance d’appel, il est sursis à l’exécution du jugement, sous réserve des dispositions des articles 537, alinéas 2 et 3, et 546.», « le ministre des droits de l’homme » qualifie d’insuffisance professionnelle, l’exécution d’une décision de justice par un procureur.

En l’espèce, l’article 1006 alinéa 1 du même code dispose : « Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais. ».

Il s’ensuit que l’exécution de cette décision s’impose au substitut du procureur, même si le Ministère public relève appel de la décision.

A cet égard, en lieu et place du Conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, le ministre ne saurait évoquer l’insuffisance professionnelle à l’égard des collègues concernés.

Par ailleurs, il ressort des actes de suspension que tes collègues auraient refusé de se présenter devant l’inspection des Services judiciaires et pénitentiaires. Ce qui constituerait selon le ministre, un acte d’insubordination.

Cependant, il est avéré que ces collègues, après avoir reçu les convocations de l’inspecteur général adjoint le lundi 14 août 2023, à se présenter le mercredi 16 août 2023, ont sollicité un délai d’une semaine pour préparer leur déplacement de Labé pour Conakry et d’indiquer de manière précise, les motifs de leur convocation, afin de mieux préparer leur défense.

Au moment où la loi exige des Services de Police judiciaire, de se débarrasser de l’expression « pour affaire vous concernant » et de mentionner de manière précise, les motifs pour lesquels ils convoquent les citoyens, il est donc inadmissible qu’on dénie ce droit aux Magistrats, lorsque ces derniers sont convoqués devant l’inspection des Services judiciaires et pénitentiaires. •

On ne peut donc admettre qu’une telle demande soit qualifiée d’insubordination de la part des Magistrats appelés à se présenter devant l’inspection des Services judiciaires et pénitentiaires.

Le Conseil d’Administration de l’AMG rappelle que le ministre de la justice n’a ni la qualité pour interpréter une décision de justice, ni le droit de se substituer au Conseil supérieur de Magistrature (CSM), encore moins au législateur, pour qualifier tendancieusement d’insuffisance professionnelle les décisions d’un Magistrat.

Ces agissements récurrents du ministre constituent une atteinte grave aux principes de la séparation des pouvoirs et de la présomption d’innocence. Ils portent également atteinte à l’honneur et à la dignité des magistrats et contribuent à l’affaiblissement de l’institution judiciaire.

Le Conseil d’Administration de l’Association des Magistrats de Guinée (AMG)

exprime sa profonde préoccupation et son indignation face à l’ingérence de monsieur « le ministre de la Justice” dans la gestion d’une procédure judiciaire, en dépit de l’existence des voies de recours qui constituent une garantie pour tout justiciable.

Nul besoin de rappeler que l’appréciation du bien-fondé ou non de la décision d’un juge relève du juge du degré supérieur et non d’un ministre de la Justice.

Le Conseil d’Administration de l’Association des Magistrats de Guinée (AMG)

s’insurge à nouveau contre les publications intempestives et illégales des arrêtés de suspension des Magistrats, en violation de l’article 39 alinéa 9 de la Loi 054 du 17 mai 2013 portant statut des Magistrats.

Il précise en outre que le ministre de la Justice n’ést ni juge des Magistrats, ni juge des décisions rendues par ceux-ci.

Le Conseil d’Administration rappelle que conformément aux dispositions de l’article 17 alinéa 2 de la Loi 054 du 17 mai 2013 portant statut des magistrats :

« L’Etat a l’obligation de veiller à ce que les magistrats puissent s’acquitter de leursfonctionsprofessionnelles en toute liberté, sans ingérence, sansfaire l’objet d’intimidation, de harcèlement d’aucune sorte et sans devoir assumer, de quelque façon que ce soit, une responsabilité civile, pénale ou autre, saufles cas defautes professionnelles ou disciplinaires. ».

Au regard du danger que court le Pouvoir judiciaire en ce moment crucial, relativement à la gestion bancale du département de la Justice, le Conseil d’administration de l’AMG invite l’ensemble des Magistrats de Guinée, à cesser immédiatement toute activité sur toute l’étendue du territoire national, jusqu’à ce que messieurs Moussa CAMARA et Cé Avis GAMY, arbitrairement suspenduà, soient rétablis dans leurs fonctions respectives.

Toutefois, il réitère sa volonté indéfectible et sa détermination à accompagner dans la légalité les autorités de la transition ce, dans l’intérêt du peuple de Guinée au nom duquel toutes les décisions sont rendues.

Enfin, L’AMG ne demande qu’une seule chose, l’application des textes qui régissent la profession de magistrats en République de Guinée et ceux qui gouvernent le fonctionnement des cours et tribunaux.