Les types d’ententes que nous qualifions d’évitements fiscaux dans la présente tribune concernent la planification fiscale ou plus précisément, l’aménagement fiscal frauduleux enjoint par le régime colonial français aux pays africains dans les années 60, à travers des conventions léonines, qui réduisent ou retirent carrément les taxes et les impôts des entreprises et des travailleurs français étrangers dans les pays africains de manière contraire à l’esprit général des lois fiscales des pays victimes de cette arnaque.
Il s’agit d’un estampage fiscal organisé par des États étrangers, dans le but pernicieux d’appauvrir les trésors publics africains, tout en les condamnant à la bienveillance paternaliste et abominablement raciste de l’aide publique au développement ou plutôt de l’aide publique au sous-développement.
Les sortes d’évitements fiscaux qui s’abattent sur l’Afrique depuis ses indépendances s’ajoutent aux nombreuses autres causes de problème trésorerie et se distinguent de l’évasion fiscale, qui elle, porte sur l’intention délibérée d’une personne physique ou morale de falsifier des dossiers et des réclamations, en dissimulant un revenu ou gonflant des dépenses afin d’éviter intentionnellement de respecter des lois fiscales d’un pays africain.
Dans l’un ou dans l’autre des cas, l’Afrique subie les deux formes de crimes financiers qui sont l’évitement fiscal organisé par des États et l’évasion fiscale organisé par des personnes physiques.
LE PRÉSIDENT IBRAHIM TRAORÉ DÉNONCE UN ACCORD FISCAL AVEC LA FRANCE
Fidèle à sa politique de mesures de réciprocité, lorsque surpris par une décision unilatérale manifestement arbitraire et hostile, et en guise de représailles, l’administration Traoré a décidé le 9 août 2023 d’annuler la convention d’exonération fiscale sur la double imposition, conclue avec la France.
Le vieil accord fiscal qui liait le Burkina Faso à la France depuis le 11 août 1965, était du point de vue des Burkinabè, irréfutablement inéquitable. Il faut noter que le 6 août 2023, le régime Macron s’est montré particulièrement agressif à l’égard du Burkina Faso.
En représailles au soutien apporté par le Burkina Faso aux nouvelles autorités militaires du Niger, la France avait tyranniquement annoncé la suspension de sa supposée aide publique au développement et la suspension de ce qu’elle appelle son « appui budgétaire » au pays des hommes intègres.
Il faut également noter que le Burkina Faso avait déjà fait part à la France à deux reprises, en 2020 et 2021, de sa volonté de renégocier l’accord dit de non double imposition entre les deux pays.
Ce mirage fiscal consistait concrètement à exempter d’impôts les entreprises créées en France et qui exécutaient des contrats au Burkina Faso et inversement pour des entreprises Burkinabè qui exécuteraient des contrats en France. L’accord qui a été amandé en 1967, 1971 et 1974, prévoyait aussi pour la partie française que les citoyens français établis et travaillant au Burkina Faso ne produiraient leurs déclarations d’impôts que dans leur pays d’origine, pendant que la réciprocité ne s’appliquait pas dans les faits aux citoyens Burkinabè installés en France, pour des raisons évidentes liées à l’acquisition de la résidence permanente ou la naturalisation de ces derniers.
Les conventions fiscales visant à éviter la double imposition, causent indéniablement un déséquilibre abyssal en défaveur des Africains et sont largement avantageux pour les entreprises françaises et celles de l’Union européenne qui entretiendraient ce type de partenariat économique avec le Burkina Faso et les autres pays africains, puisqu’il est rarissime pour une entreprise créée au Burkina Faso d’obtenir et exécuter des travaux en France ou ailleurs sur le territoire de l’UE.
Au soutien du raisonnement Burkinabè, les chiffres du ministère français des Affaires étrangères lui-même, qui dénombrait en 2021, soixante-dix entreprises filiales ou à intérêts français installés au Burkina Faso et tirant ainsi profit de l’évitement fiscal organisé par l’État français.
DU TERRORISME ÉCONOMIQUE D’ÉTAT
Les mises en garde des moteurs de recherche sur internet sur la notion du terrorisme économique sont sans équivoque. Wikipédia par exemple, estime que le concept de terrorisme économique est controversé et très souvent utilisé de façon polémique pour associer le terme terrorisme à un pays, une entreprise ou groupe accusé de pratiques abusives.
Nous pensons que ce raisonnement infondé est de nature à décrédibiliser les critiques légitimes et factuelles contre des pays développés, dont l’enrichissement illicite s’est échafaudé sur le pillage économique des pays dits pauvres, à travers notamment des artifices fiscaux qui s’apparentent effectivement à du terrorisme économique.
Il y a un préjudice fâcheux à la vérité lorsque des efforts sont mobilisés pour isoler les accusations de terrorisme économique au lexique de militants altermondialistes ou des représentants de pays subissant des sanctions économiques.
Tout bien considéré, la description que font ces encyclopédies électroniques du phénomène du terrorisme économique cadre à s’y méprendre à la délinquance économique des autorités françaises vis-à-vis des pays africains et ce, depuis les indépendances factices de ces derniers. Nous prescrivons que le terrorisme économique n’est pas l’apanage des seules entités transnationales ou non-gouvernementales.
Nous prescrivons également qu’à l’instar de la guerre économique qui elle est menée de manière explicite par des États contre d’autres États, le terrorisme économique qui se déploie sournoisement dans des accords globalement économiques, est le forfait d’États économiquement puissants, au bénéfice de leurs entreprises.
Il est manifeste dans notre esprit que les régimes fiscaux spéciaux supposément destinés à éviter la double imposition, sont une forme insidieuse de terrorisme économique étatique, menée par des entités transnationales à travers d’actions variées, coordonnées et sophistiquées, qui s’apparentent à des actes massifs, hostiles de déstabilisation destinés à désorganiser la stabilité économique et financière des États africains. L’ingénieur commercial d’origine burkinabè, Seydou Nabalma, y va d’éclaircissements pertinents, pour aider à mieux cerner ce qui précède, en mettant l’emphase sur le droit d’imposition partagée, issu des mêmes types de conventions et qui facilite des fraudes fiscales massives.
M. Nabalma explique ce qui suit:
« Une entreprise de droit français et/ou une personne physique d’origine française, établies au Burkina Faso sont exonérées d’impôts dans leur pays d’accueil si elles payent des impôts dans leur pays d’origine.
Il faut par contre souligner que les entreprises de droit burkinabè qui sont des filiales de groupes français sont assujetties au paiement d’impôt au Burkina Faso, en raison des formules des clauses du droit d’imposition partagée. Le droit d’imposition partagée fait l’objet de pratiques malicieuses de la part de certaines entreprises, qui violent l’esprit de la convention qui dispose de commun accord de partager les revenus générés dans un pays comme le Burkina Faso, par une entreprise française, à hauteur par exemple de 70/30, en faveur du pays dans lequel le revenu a été généré, pour ainsi éviter que l’entreprise française aille payer tous ses impôts en France. En l’absence de ce type de traité fiscal, le Burkina Faso pourrait prélever 20 % sur tout revenu généré sur son territoire par un non-résident.
La question des filiales et des maisons mères est plus préoccupante, en ce sens qu’elle fait perdre beaucoup d’argent au Burkina Faso. C’est le cas par exemple de la société française de télécommunication Orange, qui est la maison mère de ses filiales africaines. Dans les pays africains, Orange créée des filiales de droit local, ce qui fait en sorte qu’elles sont assujetties au paiement des taxes et impôts dans les pays africains, à l’instar de leurs concurrentes locales. Les fiscalistes africains constatent avec effroi des activités douteuses, carrément frauduleuses, lorsque par exemple la maison mère domiciliée en France, demande des transferts de fonds à partir de ses filiales.
Cette transaction apparait dans les états financiers et notamment dans le compte de résultat, comme étant une prestation de la filiale à la maison mère. Même lorsque ce transfert de fonds porte sur un montant qui s’élève à 70 ou 90 % des revenus générés dans le pays africain, ce montant ne peut être assujetti au régime d’impôt du pays d’accueil, en vertu du droit d’imposition partagée puisque l’entreprise, prétendra qu’il s’agit d’argent versé à un fournisseur étranger, qui par ailleurs n’est nulle autre que la maison mère. Cette charge qui se retrouve dans les états financiers de la filiale, vient diminuer la dernière ligne du compte des résultats qu’on appelle le bénéfice net, alors que c’est sur ce même bénéfice net qu’on applique le taux d’imposition au Burkina Faso.
Donc, il suffit pour une filiale à chaque année, de grossir les chiffres de la charge des prestations de la maison mère, sous prétexte d’investissements dans l’acquisition d’équipements techniques, pour réduire à néant le bénéfice net et ne pas avoir à payer ses impôts. Une entreprise de droit français avec résidence fiscale en France, qui exécute des marchés au Burkina Faso dispose de multiples possibilités de falsifier ses chiffres pour ne pas être imposée dans ce pays d’accueil.
C’est d’ailleurs le même stratagème qu’exerce le gouvernement français lui-même, au niveau des montants qu’il dit alloué à l’aide publique au développement, qui s’apparente plus à une aide au développement des entreprises françaises en Afrique, puisque dans les conditionnalités exigées, l’aide financière française est destinée à l’acquisition d’équipement auprès des entreprises françaises ».
UNE PANDÉMIE FISCALE FRANÇAISE : L’AMPLEUR DU DÉGÂT
Il y a fort à parier que la supercherie fiscale française de cette nature a été prescrite à l’ensemble des colonies françaises d’Afrique, à une époque où la France faisait et défaisait les dirigeants de son pré carré pré, selon l’expression consacrée par celui que la presse française appelle le prince des ténèbres, Jacques Foccart, masterminder des crimes de la France dans l’Afrique postindépendance.
Les expatriés de la diaspora africaine, estimés en 2021 à 150 millions d’individus, réalisaient en 2021, des transferts de fonds vers le continent d’environ 95.5 milliards de dollars et de 95.6 milliards de dollars en 2022. Si les États africains avaient réussi à imposer aux pays d’accueil de cette diaspora, la même escroquerie fiscale française, il faudrait multiplier par 100 les chiffres de la banque mondiale sur ces transferts d’argent. Il n’est donc pas exagéré de souligner que la France vit au crochet des pays africains.
L’accession au pouvoir partout en Afrique de personnalités aussi avisées, telles que Ibrahim Traoré, Assimi Goïta et Abdourahamane Tchiani devient dès lors un enjeu de survie des États francophones d’Afrique.
M. Seydou Nabalma, revient sur le caractère délétère d’ententes qui ne peuvent en aucun cas profiter aux pays africains, dans la mesure où, soutient-il, les expatriés Africaines acquièrent toujours les documents de résidence permanente et de citoyenneté en France, ce qui rend caduque et inapplicable à eux les conventions de la non-double imposition. Selon cet intellectuel Canado-Burkinabè, les autorités Burkinabè ont eu raison de dénoncer un accord bilatéral qui ne répondait pas aux réalités économiques de leur pays, d’autant que des mécanismes de retrait prévu à l’article 44 de la convention leur en donnaient plein droits. M. Nabalma attire également l’attention sur la désuétude de l’accord de 1965, qui n’est pas conforme aux normes en vigueur au niveau des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et celles des Nations unies. Nous pensons que tous les pays africains victimes du terrorisme économique d’État susmentionné doivent incessamment emboiter le pas au président Ibrahim Traoré et dénoncer ce système, puisqu’il ne fait aucun doute dans notre esprit, que cette fraude fiscale est l’une des causes de la désorganisation et de la déstabilisation escomptées des économies africaines.