Lettre d’introduction à la contribution constitutionnelle ( Par Goïkoya Kolié, juriste)

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À l’attention de la Commission de rédaction de la Constitution de la République de Guinée.

Objet : Contribution citoyenne au projet de Constitution – Vision endogène de la gouvernance.

Messieurs et Mesdames les membres de la Commission,

Je vous adresse la présente contribution en tant que citoyen profondément attaché à la souveraineté, à la paix et à la dignité de notre nation. Face aux défis historiques et contemporains que traverse la Guinée, il est impératif de repenser notre modèle de gouvernance à partir de nos réalités sociopolitiques, culturelles et économiques.

Le projet de constitution que vous avez élaboré constitue un jalon crucial dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel et une étape nécessaire pour l’avenir de notre pays. La présente contribution se veut un complément à ce travail fondamental, offrant une perspective alternative qui pourrait enrichir le débat et renforcer la pérennité du texte final. Mon unique ambition est de voir le projet existant être amélioré et amendé, pour qu’il réponde pleinement aux aspirations de notre peuple.

Depuis l’indépendance, les modèles importés ont souvent échoué à garantir la stabilité, l’unité et le développement. Les schémas de gouvernance qui ont prévalu par le passé, en se basant sur la politique partisane et la confrontation ethnique, ont trop souvent mené à des blocages et à une instabilité chronique. Il est de notre devoir collectif d’éviter que l’histoire ne se répète et d’oser une voie guinéenne, enracinée dans nos traditions de gouvernance, comme l’alternance entre les Alphaya et les Soriya dans l’empire du Foutah.

La présente proposition constitutionnelle, qui se veut une piste de réflexion, repose sur les principes suivants :

Une présidence tournante entre les quatre régions naturelles, pour garantir l’équité et la paix.

L’abolition des partis politiques, pour mettre fin aux clivages ethniques institutionnalisés.

La valorisation des langues nationales, dans tous les actes de l’État et sur la scène internationale.

Une souveraineté économique affirmée, avec une maîtrise nationale des ressources et une interdiction de l’endettement extérieur.

L’autosuffisance agricole et la souveraineté alimentaire, pour assurer la sécurité de notre peuple et protéger nos marchés locaux.

Une réforme du temps de travail, pour renforcer la productivité et l’éthique du travail.

Une régulation des manifestations politiques, pour préserver l’ordre public et la cohésion sociale.

Le rôle central de l’armée comme garante de la Constitution et de l’intégrité territoriale.

Une justice plus forte et la lutte contre la corruption.

Cette vision n’est pas une utopie : elle est une réponse lucide, pragmatique et profondément africaine aux défis de notre époque. Elle vise à restaurer la confiance, à apaiser les tensions et à bâtir une Guinée forte, fière et souveraine.

Je vous prie de recevoir cette contribution comme un acte d’engagement citoyen, animé par le seul désir de voir notre pays s’élever dans la dignité et la stabilité.

Veuillez recevoir, Messieurs et Mesdames les membres de la Commission, l’expression de ma haute considération.

Projet de Constitution de la République de Guinée

Version endogène et souveraine

Préambule

Nous, peuple de Guinée, conscients de notre histoire, de nos valeurs ancestrales et de notre diversité culturelle, affirmons notre volonté de bâtir une nation souveraine, enracinée dans ses traditions, affranchie des modèles imposés, et résolument tournée vers la paix, la dignité et la prospérité. Reconnaissant les limites du modèle électoral importé et les tensions qu’il génère, nous choisissons une voie de gouvernance fondée sur l’alternance régionale, la responsabilité collective, et la valorisation de nos langues, nos ressources et nos savoirs. Cette Constitution consacre notre droit à l’autodétermination, à la justice sociale, à la souveraineté économique et à la préservation de notre identité.

Titre I – De la Présidence et de l’Alternance Régionale

Article 1 : Présidence tournante. La République de Guinée adopte un système de présidence tournante entre ses quatre régions naturelles : Haute Guinée, Moyenne Guinée, Basse Guinée et Guinée Forestière. Chaque région désigne, à tour de rôle, un(e) citoyen(ne) parmi ses fils et filles pour exercer la fonction de Président de la République pour un mandat unique de dix (10) ans, non renouvelable.

Article 2 : Désignation du Président. Le Président est choisi par la région dont c’est le tour, selon ses mécanismes internes de désignation. Mamady Doumbouya, en tant que chef de la transition, remet le compteur à zéro et peut assumer le premier mandat au nom de la Haute Guinée.

Article 3 : Interdiction des partis politiques. Les partis politiques sont abolis. Leur fonctionnement, historiquement fondé sur des clivages ethniques, est incompatible avec la stabilité nationale. Les cadres souhaitant servir la nation le feront au sein du gouvernement désigné par le Président en exercice.

Article 4 : Nomination des représentants. Le Président nomme les membres du gouvernement et les représentants des deux chambres du Parlement sur proposition des régions, sans recours à des élections nationales.

Titre II – De l’Armée et de la Protection Constitutionnelle

Article 5 : Rôle de l’armée. L’armée guinéenne est garante de la Constitution. Elle veille à la sécurité de l’intégrité territoriale, à la défense de la souveraineté nationale, et à la protection des institutions. Elle reprend le pouvoir à tout Président qui tenterait de le confisquer à la fin de son mandat et le remet immédiatement à la région suivante.

Titre III – De la Langue et de l’Identité Culturelle

Article 6 : Langues officielles. Les langues officielles de l’État guinéen sont les langues nationales. Les représentants de l’État, y compris à la tribune des instances internationales telles que l’ONU, s’expriment exclusivement dans une langue guinéenne. Tous les actes officiels doivent être rédigés en langues nationales, à l’exclusion des langues coloniales européennes.

Article 7 : Enseignement des langues nationales. Les langues guinéennes sont enseignées de l’école primaire à l’université. L’hymne national est rédigé et chanté uniquement dans les langues guinéennes, à l’exclusion des langues étrangères et la monnaie porte un nom en langue guinéenne.

Titre IV – De la Souveraineté Économique

Article 8 : Ressources naturelles. L’État guinéen est propriétaire à hauteur de 70 % de toutes les ressources naturelles exploitées sur son territoire. Aucune entreprise étrangère ne peut détenir plus de 30 % des parts. En cas de refus de conformité, les entreprises seront dépossédées et leurs parts intégrées au patrimoine national.

Article 9 : Moratoire et maîtrise technique. Un moratoire sur l’exploitation est instauré jusqu’à la maîtrise nationale des techniques de prospection, d’extraction et de transformation.

Article 10 : Interdiction de l’endettement extérieur. L’État guinéen s’interdit tout recours à l’emprunt auprès des institutions financières étrangères.

Article 11 : Transformation locale obligatoire. L’exportation de matières premières non transformées est interdite. La Guinée valorise la transformation locale de ses ressources.

Titre V – De l’Autosuffisance Agricole et de la Souveraineté Alimentaire

Article 12 : La Terre, Patrimoine National. La terre agricole est un patrimoine national inaliénable. Son exploitation est un droit et un devoir pour les citoyens guinéens, dans le respect des traditions et de l’environnement. L’État garantit à chaque Guinéen l’accès à une parcelle de terre pour la culture vivrière.

Article 13 : Priorité à l’Autosuffisance. L’État guinéen a pour objectif stratégique de parvenir à l’autosuffisance alimentaire dans les plus brefs délais. À cette fin, il investit massivement dans la recherche agricole, la formation des ingénieurs agriculteurs et la mise en place d’infrastructures d’irrigation et de stockage.

Article 14 : Interdiction des Importations Ciblées. L’importation de produits agricoles de base qui peuvent être produits en abondance en Guinée, comme le riz, le maïs, l’huile de palme et le coton, est strictement interdite. Des dérogations temporaires peuvent être accordées en cas de force majeure, après une analyse rigoureuse et un vote des deux chambres du Parlement.

Article 15 : Protection des Marchés Locaux. L’État protège les agriculteurs guinéens contre la concurrence déloyale des produits importés. Des mécanismes de soutien, tels que des prix planchers garantis et des subventions, sont mis en place pour encourager la production nationale.

Article 16 : Exportation des Excédents. La Guinée a pour ambition de devenir un exportateur majeur de produits agricoles transformés. L’exportation des matières premières agricoles brutes est interdite, sauf pour les produits ne pouvant pas être transformés localement.

Titre VI – De la Production Nationale et du Textile

Article 17 : Uniformes et tenues scolaires. Tous les corps habillés (armée, police, gendarmerie, douane) doivent porter des uniformes fabriqués à partir de coton produit et tissé en Guinée. Les tenues scolaires doivent également être confectionnées à partir de tissus guinéens.

Titre VII – De l’Exercice des Droits Politiques

Article 18 : Manifestations et grèves. Les manifestations politiques, grèves et rassemblements revendicatifs ne peuvent se tenir du lundi au samedi. Elles sont autorisées uniquement le dimanche, dans des lieux désignés par l’État, tels que les stades ou espaces publics sécurisés. Toute manifestation en dehors de ces conditions est considérée comme illégale.

Titre VIII – De la Réforme du Temps de Travail

Article 19 : Durée légale du travail. Le samedi est institué comme jour ouvrable. La durée légale du travail est fixée à soixante (60) heures par semaine, soit dix (10) heures par jour du lundi au samedi. Cette mesure vise à renforcer la productivité nationale et à valoriser l’éthique du travail.

Titre IX – De la Justice et de l’État de droit

Article 20 : Indépendance de la justice. La justice est indépendante de l’exécutif et du législatif. Les magistrats sont nommés par le Président sur proposition des régions, selon des critères de compétence, d’intégrité et de loyauté envers la nation. Toute tentative d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques est considérée comme une violation grave de la Constitution.

Article 21 : Accès à la justice. Tout citoyen guinéen a droit à un accès équitable, rapide et gratuit à la justice. L’État garantit la présence de tribunaux dans chaque préfecture et met en place des mécanismes de médiation communautaire inspirés des pratiques traditionnelles.

Titre X – De l’Éducation et de la Formation

Article 22 : Éducation nationale. L’éducation est un droit fondamental et une priorité nationale. Elle est gratuite et obligatoire de l’école primaire à l’université. Les langues nationales sont les langues d’enseignement, accompagnées de l’apprentissage des savoirs scientifiques, techniques et culturels.

Article 23 : Formation professionnelle et technique. L’État développe un réseau national de centres de formation professionnelle, axés sur les métiers agricoles, artisanaux, industriels et numériques. La formation est adaptée aux besoins du développement local et à la souveraineté économique.

Titre XI – De la Santé et du Bien-être

Article 24 : Droit à la santé. Tout citoyen a droit à des soins de santé accessibles, gratuits et de qualité. L’État garantit la présence de centres de santé dans chaque commune et investit dans la médecine traditionnelle et moderne.

Article 25 : Médecine endogène. La médecine traditionnelle guinéenne est reconnue, protégée et intégrée dans le système de santé. Les savoirs des guérisseurs et des thérapeutes locaux sont valorisés et encadrés par des normes scientifiques et éthiques.

Titre XII – De l’Environnement et des Ressources naturelles

Article 26 : Protection de l’environnement. La République de Guinée protège son patrimoine naturel, ses forêts, ses cours d’eau, sa biodiversité et ses terres agricoles. Toute exploitation doit respecter les principes de durabilité, de préservation et de justice intergénérationnelle.

Article 27 : Souveraineté écologique. L’État interdit l’importation de déchets étrangers et toute activité polluante non maîtrisée. Les citoyens sont tenus de participer à la protection de l’environnement à travers des pratiques communautaires et éducatives.

Titre XIII – Du Numérique et de la Technologie

Article 28 : Souveraineté numérique. La République de Guinée développe ses propres infrastructures numériques, ses logiciels et ses systèmes de communication. Les données des citoyens sont protégées et ne peuvent être transférées à des entités étrangères sans consentement explicite.

Article 29 : Accès au numérique. L’État garantit l’accès à Internet et aux outils numériques dans toutes les régions du pays. La formation au numérique est intégrée dans le cursus scolaire et professionnel.

Titre XIV – De la Culture et du Patrimoine

Article 30 : Valorisation culturelle. La culture guinéenne, dans sa diversité, est protégée, promue et enseignée. Les musiques, danses, récits, rites et savoirs traditionnels sont reconnus comme patrimoine national.

Article 31 : Création artistique. L’État soutient les artistes, écrivains, cinéastes et créateurs guinéens. Les œuvres culturelles doivent être produites, diffusées et archivées en langues nationales.

Titre XV – De la Sécurité sociale et de la solidarité

Article 32 : Protection sociale. L’État met en place un système de sécurité sociale garantissant une couverture santé, retraite et assistance aux personnes vulnérables. Les mécanismes de solidarité communautaire sont reconnus et intégrés dans les politiques publiques.

Article 33 : Travail et dignité. Tout travailleur guinéen a droit à un emploi digne, à une rémunération équitable et à des conditions de travail respectueuses. Le travail est reconnu comme un pilier de la souveraineté nationale.

Titre XVI – Du Panafricanisme, du Fédéralisme et de la Coopération Régionale

Article 34 : Fondements panafricanistes. La République de Guinée, enracinée dans son identité et ses traditions, s’engage à œuvrer pour l’unité, la solidarité et l’intégration politique et économique des peuples africains. Elle proclame le panafricanisme comme principe directeur de sa politique étrangère.

Article 35 : Ouverture au fédéralisme. La Guinée, dans sa quête de souveraineté et de renforcement régional, s’ouvre à l’idée du fédéralisme avec des États africains partageant une vision commune. Elle peut, par voie de référendum, intégrer une union fédérale à la condition que les principes de souveraineté nationale, de préservation de l’identité culturelle et de contrôle des ressources naturelles soient maintenus.

Article 36 : Possibilité de rejoindre l’AES. Dans le cadre de son ouverture au fédéralisme, la République de Guinée peut initier un processus de rapprochement avec l’Alliance des États du Sahel (AES) ou toute autre alliance similaire, en vue de former un État fédéral de plus de 100 millions d’habitants. Ce projet vise à créer une entité géopolitique stable et puissante, avec un accès maritime stratégique pour le développement économique et la défense de ses intérêts.

Article 37 : Respect des institutions, de l’ordre et de la discipline. Le respect des institutions de l’État, des lois et de la discipline est un devoir fondamental pour chaque citoyen et entité résidant sur le territoire national. L’État garantit l’ordre public, l’application stricte de la loi et la discipline collective comme piliers de la stabilité et du développement. Toute action visant à saper ces principes est considérée comme un acte de trahison envers la nation.

Titre XVII – Des Lois Pénales et Criminelles contre la Corruption

Article 38 : Répression de la corruption et des abus. La corruption, le détournement de deniers publics et les abus de biens de l’État sont des crimes imprescriptibles. Des lois pénales et criminelles extrêmement dures sont instituées pour réprimer ces actes. Toute personne reconnue coupable de corruption sera lourdement sanctionnée.

Article 39 : Punition des corrupteurs et des corrompus. La loi s’applique de la même manière aux corrompus et aux corrupteurs. Qu’il s’agisse de fonctionnaires, de cadres ou de citoyens, tous seront poursuivis et jugés sans aucune distinction de rang ou de statut. Les corrupteurs étrangers, qu’il s’agisse d’individus ou d’entités, sont également passibles de poursuites sur le territoire guinéen pour les actes de corruption commis à l’encontre de l’État ou des citoyens.

Article 40 : Récupération des biens mal acquis. Les biens et avoirs acquis par des moyens illicites, y compris par le biais de la corruption ou du détournement de fonds, sont saisis et confisqués par l’État. Ces biens seront réintégrés au patrimoine national pour le bénéfice du peuple.

Par Goïkoya Kolié, juriste au Canada

 

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