L’héritage toxique des vaccins fantômes en Afrique ou théories conspirationnistes de Robert Kennedy Jr.

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L’héritage Dix ans après l’effroyable controverse qui a ébranlé le Kenya en 2014, l’affaire de la campagne de vaccination contre le tétanos refait surface dans le débat public. Elle est ravivée par les déclarations récentes de personnalités publiques, notamment de Robert Kennedy Jr., qui ont fait de cette histoire un symbole de la méfiance grandissante envers l’OMS et le « philanthro-capitalisme ». L’histoire est un rappel brutal : l’Association des Médecins Catholiques du Kenya (KCMA) avait alors lancé un cri d’alarme retentissant. Une campagne de vaccination massive, soutenue par l’OMS et la Fondation Gates, serait en réalité une opération de stérilisation déguisée, ciblant délibérément les femmes noires.

Le cœur de l’accusation repose sur une substance : l’hormone gonadotrophine chorionique humaine (hCG). Selon la KCMA, cette hormone, essentielle au maintien d’une grossesse, aurait été délibérément introduite dans les vaccins. Le mécanisme allégué est d’une simplicité diabolique : en couplant l’hCG à l’anatoxine du tétanos, le système immunitaire des femmes vaccinées serait trompé. Il n’apprendrait pas seulement à combattre la maladie, mais aussi à attaquer systématiquement cette hormone, provoquant ainsi des fausses couches et induisant une stérilité. Le mécanisme est terriblement simple, diaboliquement efficace. Injecter à des millions de femmes — sans leur consentement — une hormone de grossesse couplée à une anatoxine tétanique. Leur corps, trompé, se défendrait alors contre le tétanos… et contre leur propre fertilité.

Face à cela, la réponse des autorités est un mur lisse, poli, sans aspérité. L’OMS nie. Les donateurs se retranchent derrière les procédures. Leurs tests à eux, bien sûr, sont négatifs. Mais attention : ils n’ont pas testé les mêmes flacons. Le 6 mai 2015, le Secrétaire à la santé du Kenya a publiquement déclaré que les tests de son gouvernement et de l’OMS n’avaient pas trouvé d’hCG dans les vaccins. Cependant, en novembre 2014, le Dr Muhame Ng’ang’a, le porte-parole de la KCMA, a présenté des rapports de laboratoires kényans et sud-africains qui, selon lui, avaient détecté la présence de la bêta-hCG dans au moins la moitié des six échantillons testés.

Des preuves et des victimes : le silence des faits

Au-delà des analyses de laboratoire, la controverse est nourrie par des témoignages directs et des constats sur le terrain. Alors que l’OMS et le gouvernement kényan affirment l’innocuité du vaccin, des rapports et des études non officiels continuent de rapporter des conséquences dévastatrices sur la santé reproductive des femmes. Un article de recherche publié dans le Scientific Research Journal a confirmé que des échantillons de vaccins prélevés en 2014 contenaient bien de l’hCG, ce qui corrobore les allégations de la KCMA et soutient l’idée d’une stérilisation forcée.

Ces rapports ont été renforcés par des témoignages qui ont émergé après la campagne de vaccination. De nombreuses femmes kényanes en âge de procréer ont rapporté des cycles menstruels perturbés, des fausses couches inexpliquées et une infertilité primaire, qui est l’incapacité de concevoir un enfant après un an de tentatives. Ces témoignages, souvent ignorés par les autorités officielles, sont au cœur de la controverse. Bien qu’il soit difficile d’établir un lien de causalité direct et formel entre la vaccination et chaque cas de stérilité, la coïncidence temporelle et la nature des symptômes rapportés ont créé un climat de suspicion inébranlable.

Malthusianisme vaccinal et l’accusation facile de « complotisme »

Derrière cette affaire se profile une crainte ancestrale, profondément ancrée dans une partie du continent : celle d’une Afrique sans Africains. Pour de nombreux observateurs, intellectuels et citoyens, les politiques agressives de planning familial — souvent financées et promues par des fondations occidentales — ne sont que l’habillage acceptable d’un projet malthusien : réduire drastiquement la population noire, perçue comme une menace démographique, migratoire et économique. Le vaccin devient alors l’outil silencieux d’une stérilisation de masse, niant toute autonomie corporelle, tout consentement, et toute souveraineté des peuples sur leur destin reproductif. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement une série de faits isolés, mais la confiance même entre les peuples du Sud et les institutions internationales.

Cette méfiance est d’autant plus grande que l’OMS est devenue, pour de nombreux Africains, non pas une alliée, mais un instrument de l’agenda occidental, largement financé par des acteurs privés comme la Fondation Bill & Melinda Gates. Le silence des vaccins, le manque d’explications et la manipulation perçue des preuves ont transformé l’OMS en un symbole de l’arrogance occidentale et d’une volonté d’imposer un contrôle sur les populations.

Dans ce contexte, le politicien français François Asselineau a souvent critiqué l’usage de l’expression « théorie du complot » comme une « arme rhétorique » pour discréditer toute opinion dissidente. D’après Asselineau, cette accusation est systématiquement brandie par les gouvernements occidentaux et leurs relais médiatiques pour disqualifier sans débat toute critique qui dérange. Elle ne répond pas à des arguments par des contre-arguments : elle évacue purement et simplement la contradiction en la frappant du sceau de l’irrationalité et de la folie. Asselineau dénonce une hypocrisie : ceux qui utilisent ce terme sont souvent les mêmes qui, par le passé, ont dissimulé des vérités gênantes. En qualifiant toute remise en cause de « complotiste », les détenteurs du discours dominant s’accordent à eux-mêmes le monopole de la légitimité. Pour lui, le véritable complot serait celui qui consiste à utiliser la peur du jugement social pour imposer un récit unique.

Robert Kennedy Jr. : l’accusation qui dérange

Robert Kennedy Jr., avocat environnementaliste, auteur, et ministre américain de la Santé, s’est imposé comme une voix critique à l’égard des institutions de santé publique. Dans son ouvrage « The Real Anthony Fauci: Bill Gates, Big Pharma, and the Global War on Democracy and Public Health », publié en 2021, il y aborde l’affaire du Kenya non comme une simple rumeur, mais comme un fait avéré. Ses apparitions médiatiques, notamment ses interviews et déclarations à la presse, ont permis de maintenir cette histoire dans l’actualité, en la présentant comme un exemple flagrant des crimes commis par les institutions internationales.

Selon Kennedy, l’OMS et la Fondation Gates, en collaboration avec le gouvernement kényan, auraient délibérément administré un vaccin antitétanique contenant de l’hormone hCG à des millions de femmes, dans l’objectif affiché de les stériliser sans leur consentement.

Il décrit cette opération comme la répétition d’un modèle appliqué de manière systématique. Kennedy souligne que des campagnes similaires ont suscité des suspicions au Nicaragua, au Mexique et aux Philippines dès les années 1990, impliquant selon lui les mêmes acteurs et la même méthode : l’utilisation cachée d’un vaccin stérilisant lors de programmes de santé publique.

Le livre avance que les dénis des institutions et les contre-expertises officielles font partie intégrante d’un système de dissimulation. Kennedy présente les laboratoires kényans ayant détecté la présence de hCG comme crédibles, et accuse les tests de l’OMS d’avoir été intentionnellement conduits sur des échantillons différents ou dans des conditions biaisées pour étouffer la vérité. L’ouvrage de Kennedy Jr. ne se présente pas comme une théorie parmi d’autres, mais comme la révélation d’un crime de masse sciemment orchestré.

Bill Gates et le Nigeria : un modèle de suspicion

L’affaire du Kenya n’est pas un cas isolé, mais s’inscrit dans un schéma de méfiance qui s’étend à d’autres pays africains, en particulier le Nigeria. La Fondation Bill & Melinda Gates est l’un des principaux acteurs de la vaccination contre la polio dans ce pays. Cependant, cette implication a donné lieu à de graves accusations.

Des activistes et des scientifiques ont affirmé que la fondation utilisait les campagnes de vaccination contre la polio pour introduire secrètement des agents de stérilisation. Bien que ces accusations aient été largement démenties par les autorités sanitaires nigérianes et l’OMS, l’opacité et l’historique des pratiques de certaines fondations ont alimenté ces craintes.

En 2012, un rapport publié dans le Nigerian Guardian a soulevé des questions sur la sécurité des vaccins et l’implication de la Fondation Gates dans le programme de vaccination. Ce rapport a mis en lumière un fait souvent ignoré : la Fondation Gates finance des projets qui vont au-delà de la vaccination, y compris la recherche sur les méthodes de contraception à longue durée d’action, ce qui, pour beaucoup, renforce l’idée d’un agenda plus vaste.

La suspicion s’est renforcée lorsque le Nigeria a enregistré en 2016 de nouveaux cas de polio après avoir été déclaré exempt de la maladie, un événement qui a poussé les populations à douter de la crédibilité des vaccins et des campagnes qui les promeuvent. Pour les critiques, le fait que la fondation Bill & Melinda Gates ait un contrôle aussi important sur les politiques de santé publique des nations africaines, sans être tenue de rendre des comptes aux citoyens, est une dangereuse dérive du « philanthro-capitalisme ».

Des voix occidentales s’élèvent : le procès des crimes

La critique de ces pratiques ne se limite pas à l’Afrique. Des voix éminentes du monde occidental ont également pointé du doigt les dérives de certaines institutions internationales, notamment dans le cadre de leurs politiques de population. Bien que souvent nuancés, leurs propos rejoignent les craintes d’un agenda plus vaste.

Jeffrey Sachs, économiste de renom, ancien conseiller spécial de l’ONU et directeur du Earth Institute de l’Université de Columbia, a critiqué à plusieurs reprises le rôle des fondations philanthropiques comme celle de Bill Gates. S’il ne parle pas explicitement de stérilisation, il soulève des questions sur la « philanthro-capitalisme », où les actions des milliardaires et des fondations échappent à la responsabilité démocratique et peuvent imposer des agendas qui ne servent pas nécessairement les intérêts des pays en développement. Ses déclarations sur l’ingérence de certaines fondations dans les politiques de santé des nations souveraines font écho à la suspicion autour de la campagne kényane.

Le défunt Dr. David E. Martin, un analyste de l’industrie pharmaceutique et des brevets, a été encore plus direct dans ses analyses. Bien que moins médiatisé, il a, à de nombreuses reprises, documenté des brevets et des projets de recherche impliquant l’OMS et d’autres entités qui, selon lui, visaient à contrôler la population à travers des interventions médicales. Il a souligné que le financement de la recherche sur des vaccins « anti-fertilité » par des entités occidentales n’était pas un secret et que ces projets ont toujours été un sujet de préoccupation.

Afrique cobaye ? Du crime médical historique à la méfiance actuelle

La défiance des populations noires envers les campagnes de vaccination internationales n’est ni une lubie, ni un délire complotiste. Elle est le fruit putride d’une histoire longue et documentée d’expérimentations médicales brutales, de mensonges d’État et d’un mépris profond pour la vie africaine, considérée comme jetable et perfectible.

Le précédent est américain, mais il résonne comme un avertissement planétaire. De 1932 à 1972, pendant quarante ans, le Service de santé publique des États-Unis a mené une étude notoire sur la syphilis à Tuskegee, en Alabama. Le protocole était d’une barbarie froide : environ 600 hommes noirs pauvres, dont 399 infectés par la syphilis, ont été délibérément trompés. On leur a dit qu’ils étaient traités pour une « mauvaise sang », alors qu’en réalité, on les privait de tout traitement curatif, même après que la pénicilline fut devenue un remède standard dans les années 1940. Ce n’est qu’en 1997, sous la pression médiatique, que le président Bill Clinton a présenté des excuses officielles au nom de la nation américaine. Un « mea culpa » historique, mais qui ne pouvait effacer des décennies de torture médicale institutionnalisée. Ce crime n’est pas une anomalie ; il est la preuve que lorsque la science est couplée au racisme, elle produit une monstruosité.

Ce mépris n’appartient pas qu’au passé. En pleine pandémie de Covid-19, le 2 avril 2020, sur le plateau de LCI, deux médecins français ont tenu des propos qui ont scandalisé le continent. Jean-Paul Mira, chef de service de réanimation à l’hôpital Cochin, et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, ont discuté des essais cliniques pour un futur vaccin. Jean-Paul Mira a lancé : « Si je peux être provocant, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? » Le sous-texte était limpide : l’Afrique comme un laboratoire à ciel ouvert, où les protocoles éthiques qui s’imposent en Europe pourraient être suspendus.

Dans ce contexte, comment s’étonner que la simple mention des noms de Bill Gates ou de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) provoque des levées de boucliers en Afrique ? L’histoire leur crie dessus. Bill Gates, dont la fondation est le deuxième plus gros contributeur de l’OMS, ne cesse de parler de « réduction de la population » comme d’un objectif de santé publique. Lorsqu’il déclare, comme en 2010 lors d’une conférence TED, qu’une meilleure vaccination et des services de santé reproductive pourraient permettre de « réduire la population mondiale de 10 à 15% », il alimente, volontairement ou non, la crainte d’un projet de dépopulation ciblée.

Une méfiance légitime face à une histoire criminelle

La défiance africaine n’est pas née de l’ignorance. Elle est une mémoire vive. C’est la mémoire de Tuskegee. C’est le souvenir des stérilisations forcées des femmes noires aux États-Unis. C’est le choc des propos de Locht et Mira. C’est la suspicion autour des campagnes de vaccination de l’OMS.

Face à ce passif, exiger une transparence absolue, un consentement libre et éclairé, et un respect inconditionnel de la souveraineté des pays n’est pas de la paranoïa. C’est la condition minimale pour commencer à reconstruire une confiance qui a été, pendant des siècles, trahie, piétinée et ridiculisée par ceux-là mêmes qui aujourd’hui s’étonnent de son absence. Le corps noir n’est pas un laboratoire. L’Afrique n’est pas une zone de non-droit médical. Et la méfiance n’est pas une maladie : c’est un vaccin contre la répétition de l’horreur.

  Par Goïkoya Kolié, juriste, notre collaborateur depuis Canada

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