Nos coutumes en Guinée : Un héritage en sursis, un appel à nos consciences

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Au cœur de la Guinée, dans chaque village, dans chaque famille, se tisse un lien invisible, mais indestructible. Ce lien, ce sont nos coutumes, nos traditions, l’âme même de notre peuple. Elles sont l’essence de qui nous sommes, ce qui nous unit à nos ancêtres et à la terre qui les a vus naître. Mais aujourd’hui, cet héritage qui a traversé les siècles vacille. Nos coutumes, autrefois vibrantes et vivantes, se heurtent à un monde qui les pousse au silence. Et il est de notre devoir, à chacun de nous, de les protéger, car si nous les laissons disparaître, c’est une partie de nous-mêmes que nous condamnons.

 

Le souffle ancestral : une mémoire qui se meurt

 

Fermez les yeux, ne serait-ce qu’un instant. Entendez-vous encore les chants qui accompagnaient les semailles ? Voyez-vous les gestes sacrés qui ouvraient les grandes cérémonies ? Ces rituels, ces danses, ces paroles, portaient en eux la sagesse de générations entières. Aujourd’hui, ces échos s’éteignent peu à peu. Ils se perdent dans le bruit assourdissant de la modernité, dans l’oubli de nos quotidiens trop pressés. Nous vivons dans une époque où la course à la modernité nous éloigne de ce que nous sommes profondément. Mais à quel prix ? Sommes-nous prêts à échanger notre identité contre des modes éphémères, des valeurs qui ne sont pas les nôtres ?

 

Nos coutumes, ce ne sont pas de simples rites du passé. Elles sont notre boussole, notre guide moral, le reflet de ce que nous croyons être juste et vrai. Elles façonnent nos relations, notre vision du monde, et la manière dont nous nous percevons nous-mêmes. Lorsque nous oublions nos coutumes, nous perdons bien plus que des traditions : nous perdons la substance même de notre existence.

 

L’illusion de la modernité : un chemin sans retour ?

 

Regardons-nous. Nous vivons dans un monde en perpétuel mouvement. La télévision, les réseaux sociaux, les influences venues d’ailleurs colonisent nos esprits. Nos enfants, nos frères, nos sœurs se détournent de nos histoires, de nos chants, pour se fondre dans un univers qui ne leur appartient pas. Nous les voyons répéter des gestes et des mots qui ne portent aucun écho de notre culture. Et nous, que faisons-nous ? Nous détournons le regard, trop absorbés par la promesse d’un progrès qui nous éloigne chaque jour un peu plus de nous-mêmes.

 

Mais il n’y a pas de modernité sans identité. Si nous laissons nos coutumes s’éteindre, si nous permettons à ce tissu social qui nous lie de se déchirer, que deviendrons-nous ? Sommes-nous prêts à devenir des étrangers sur notre propre terre ? À laisser nos enfants grandir sans racines, errant dans un monde où ils n’ont ni repères ni histoire à raconter ?

 

Une responsabilité individuelle et collective : que sommes-nous prêts à sacrifier ?

 

Nous sommes tous responsables. Oui, toi qui lis ces lignes. Moi qui les écris. Chacun d’entre nous. Nos coutumes ne survivront que si nous décidons, ici et maintenant, de les faire revivre. Il ne suffit pas de les célébrer une fois par an lors des grandes fêtes. Elles doivent être au cœur de notre quotidien, dans nos foyers, dans nos écoles, dans nos cœurs. Chaque histoire racontée, chaque danse partagée, chaque bénédiction murmurée, est un acte de résistance contre l’oubli. Si nous ne les faisons pas revivre, nous trahissons non seulement nos ancêtres, mais aussi nos descendants.

 

Des solutions à portée de main : reconstruire notre avenir sur les fondations de notre passé

Il n’est pas trop tard. Mais il est urgent d’agir. Nos coutumes doivent reprendre la place qui leur revient dans nos vies. Nous devons les réapprendre, les enseigner, les valoriser. Que nos écoles ne soient pas seulement des lieux de transmission de savoirs académiques, mais aussi des sanctuaires de notre culture. Que chaque enfant qui grandit en Guinée connaisse les histoires de sa terre, les chants de ses ancêtres, les gestes qui font de lui un digne héritier de son peuple. Nos médias ont aussi un rôle crucial à jouer. Ils doivent cesser d’idolâtrer des modèles étrangers et commencer à célébrer la beauté et la richesse de ce que nous possédons déjà.

 

Et il ne s’agit pas de choisir entre tradition et modernité. Les deux peuvent coexister. Nous pouvons être fiers de nos racines tout en regardant vers l’avenir. Nos coutumes ne sont pas des chaînes qui nous retiennent, elles sont des ailes qui nous permettent de voler plus haut, en étant solidement ancrés dans ce que nous sommes.

 

Le poids du silence : l’appel à nos consciences

 

Le silence est notre pire ennemi. Le silence des jeunes qui ne posent plus de questions. Le silence des anciens qui ne racontent plus leurs récits. Si nous restons silencieux, nous signerons l’arrêt de mort de notre héritage. Mais ce silence peut être brisé. Il suffit d’une voix, d’une parole, d’un geste. Si chacun de nous décide de faire un pas en avant, de réintroduire ne serait-ce qu’un fragment de nos coutumes dans sa vie quotidienne, nous pourrons inverser cette tendance mortelle.

 

L’éternité dans nos mains : bâtir un avenir digne de nos ancêtres

 

Ce n’est pas seulement pour nous que nous devons agir. C’est pour ceux qui viendront après nous, ceux qui regarderont en arrière, vers cette époque charnière, et se demanderont ce que nous avons fait pour eux. Si nous échouons, ils grandiront dans un monde sans racines, sans histoire, sans identité. Mais si nous réussissons, ils marcheront dans nos pas avec fierté, sachant qu’ils appartiennent à un peuple qui a choisi de ne pas s’éteindre.

 

Chers frères, chères sœurs, la balle est dans notre camp. Nos coutumes, notre histoire, notre identité reposent entre nos mains. Nous avons le pouvoir de les faire vivre ou de les laisser mourir. Le choix est nôtre. Mais souvenons-nous : ce que nous laisserons derrière nous, c’est ce qui définira qui nous sommes. Faisons en sorte que ce soit un héritage digne de nos ancêtres, digne de la Guinée.

 

Le temps est venu de choisir : l’oubli ou la renaissance.

 

Mamadou Dioulde SOW Coordinateur Préfectoral de la Maison des Associations et ONG de Guinée MAOG-PITA.