Présidentielle guinéenne : « Ce qu’on prépare n’est pas une élection mais un coup de force »

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Cheick Abdoul Camara, consultant en informatique piqué par le virus de la politique et candidat indépendant à l’élection présidentielle prévue le 28 décembre prochain, n’a pas pu déposer sa candidature. Lors d’une conférence de presse organisée ce mardi à la Maison de la Presse de Conakry, il a dénoncé de graves violations constitutionnelles et affirmé sans détour : « Tout ce qui se passe actuellement en matière d’organisation d’élection est illégal. Ce qu’on prépare actuellement n’est pas une élection mais un coup de force. »

Au cœur de la contestation : le code électoral promulgué le 27 septembre 2025, soit un jour seulement après l’adoption de la nouvelle Constitution. Selon M. Camara, ce texte n’a jamais été soumis au contrôle préalable de la Cour constitutionnelle, pourtant obligatoire pour toute loi organique selon les articles 127, 131 et 142 de la Constitution.

« Comment comprendre que le Président de la Transition, premier garant du respect de la Constitution qu’il a lui-même promulguée le 26 septembre 2025, ait signé dès le lendemain un décret de promulgation sans contrôle constitutionnel ? », s’interroge le candidat.

Pour le candidat indépendant, cette irrégularité procédurale vicie l’ensemble du processus électoral en cours et remet en cause sa légalité.

Autre point de discorde : le remplacement de l’OTIGE (Organe Technique Indépendant de Gestion des Élections), prévu par l’article 174 de la Constitution, par la DGE (Direction Générale des Élections), créée par décret présidentiel et placée sous tutelle du ministère de l’Administration du Territoire.

Pour M. Camara, ce changement compromet l’indépendance du processus électoral, d’autant que le Président de la Transition est lui-même candidat à l’élection. « Il est donc juge et partie », dénonce-t-il, y voyant « une atteinte manifeste au principe d’impartialité électorale ».

Ce n’est pas tout. Le candidat indépendant pointe également du doigt le système de parrainage mis en place. Les délégations spéciales, nommées en avril 2024 pour six mois par le président de Transition, auraient vu leur mandat expirer sans renouvellement démocratique.

Pour  M. Camara, aucune de ces délégations n’aurait accepté de parrainer un autre candidat indépendant que le Président de la Transition, rendant impossible toute candidature alternative. « Ce verrouillage viole le principe d’égalité entre les candidats et empêche concrètement toute candidature indépendante », dénonce-t-il.

Par ailleurs, le conférencier lève le voile sur les contradictions entre Constitution et code électoral.

Le communiqué relève plusieurs incohérences entre les deux textes :

  • L’âge minimum pour se présenter est fixé à 40 ans par la Constitution, mais à 44 ans par le code électoral

  • La présomption d’innocence, garantie constitutionnelle, serait violée par l’interdiction faite aux personnes visées par un mandat d’arrêt

  • Les maires devraient attribuer les parrainages selon le code électoral, mais ce sont des délégations spéciales aux mandats expirés qui exercent cette fonction

« Tout acte pris est nul et de nul effet »

M. Camara va plus loin en affirmant que tous les actes administratifs fondés sur le code électoral du 27 septembre sont juridiquement inexistants.

Sont concernés, selon lui : le décret fixant la date du scrutin présidentiel, la décision fixant le montant de la caution électorale, ainsi que tous les communiqués de la DGE relatifs aux parrainages et aux commissions de travail.

« Tout ce qui se passe actuellement en matière d’organisation d’élection est illégal », martèle le candidat, qui qualifie le processus en cours de « coup de force »plutôt que d’élection démocratique.

Face à cette situation, M. Camara  révèle que le cabinet de Maître Mamoudou Sané a déposé deux requêtes devant la Cour suprême le 31 octobre 2025 : l’une demandant l’annulation des actes administratifs jugés illégaux, l’autre un sursis à exécution en attendant un jugement sur la constitutionnalité du code électoral.

« Cette demande de contrôle constitue une ultime opportunité pour la Cour suprême de corriger une impasse juridique qui, si elle n’est pas levée, plongera la nation dans une insécurité juridique et judiciaire », avertit M. Camara.

Avant de conclure, dans un appel vibrant aux Guinéens, le candidat évoque la promesse du début de la Transition : « La justice sera la boussole ». « Cette phrase, qui avait suscité l’espoir, semble aujourd’hui reléguée au rang de slogan sans substance face à des actes qui bafouent ouvertement les principes constitutionnels », regrette-t-il.

M. Camara appelle ainsi ses compatriotes « de toutes régions, de toutes générations » à se mobiliser dans ce qu’il qualifie de « combat pour la vérité, la justice et le renouveau ».

« Ce n’est pas le combat d’un homme seul, mais celui de tout un peuple qui refuse de voir ses droits confisqués et sa Constitution violée. Personne ne le fera à notre place. C’est à nous, citoyens responsables, de mouiller le maillot, de défendre notre souveraineté et de bâtir l’avenir que nous méritons », conclut-il avec fermeté.

La Cour suprême n’a pas encore rendu sa décision. L’issue de ce recours pourrait avoir des conséquences majeures sur le déroulement de la présidentielle prévue dans moins de deux mois.

 

Par Minkael Barry 

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