Sorbonne : Cellou Dalein Diallo établit le lien entre juntes et migration

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Invité samedi 11 octobre à prendre la parole à la Sorbonne, Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), a livré une analyse sans concession des transitions militaires en cours en Afrique de l’Ouest et de leurs conséquences dramatiques sur les flux migratoires vers l’Europe.

 

Devant un parterre de professeurs, d’étudiants et d’amis de l’Afrique réunis dans ce haut lieu du savoir parisien, l’opposant guinéen a décrit comment les juntes militaires, loin de tenir leurs promesses de restauration démocratique, ont confisqué le pouvoir par la violence et la manipulation.

« En Guinée, comme ailleurs dans la sous-région, les militaires qui se sont emparés du pouvoir, au lieu de restaurer comme promis les libertés, la démocratie et l’État de droit, ont plutôt décidé de garder le pouvoir par la violence et la ruse », a déclaré Cellou Dalein Diallo, s’appuyant sur des faits documentés de violations des droits humains et de restrictions des libertés publiques.

Cette analyse vise directement le régime du général Mamadi Doumbouya en Guinée, mais s’étend également aux autres transitions militaires de la sous-région, où les promesses de retour rapide à l’ordre constitutionnel se heurtent à la réalité d’une consolidation autoritaire du pouvoir.

Le cœur de l’intervention du leader de l’UFDG a porté sur le lien direct qu’il établit entre cette mauvaise gouvernance et l’exode massif des jeunes Africains vers l’Europe et l’Amérique du Nord. Un phénomène dont la Guinée constitue un cas d’école particulièrement édifiant.

« Privés d’emplois, de perspectives et n’ayant plus confiance dans la parole publique, ces jeunes quittent leurs pays pour l’Europe en empruntant, au risque de leurs vies, les routes du Sahara et des embarcations de fortune », a-t-il expliqué, rappelant qu’en 2023, la Guinée s’est hissée au rang de premier pays africain demandeur d’asile en France.

Cette statistique alarmante illustre, selon lui, l’ampleur de la désespérance qui pousse des milliers de jeunes Guinéens à tout abandonner pour tenter leur chance ailleurs, au péril de leur vie.

Dans une formule saisissante, Cellou Dalein Diallo a décrit cette migration comme une forme de contestation politique ultime : « Pour beaucoup, franchir la frontière n’est plus un choix, mais un acte de survie — une façon de voter avec leurs pieds contre des États devenus incapables de protéger ou de nourrir leurs citoyens. »

Cette expression traduit l’échec des juntes militaires à répondre aux aspirations fondamentales de leurs populations, transformant la migration en dernier recours face à l’absence de perspectives dans leur propre pays.

L’opposant guinéen a également alerté son auditoire sur les conséquences de cette situation pour l’Europe elle-même. Selon lui, les arrivées massives et souvent tragiques de migrants africains « nourrissent des discours de peur et d’exclusion » et « deviennent le carburant politique des partis d’extrême droite ».

« La détresse humaine est instrumentalisée, les valeurs d’asile s’effritent, les passerelles se ferment ; la xénophobie progresse et fragilise les démocraties européennes, prises en étau entre leurs principes et leurs peurs », a-t-il développé, dessinant un cercle vicieux où la mauvaise gouvernance africaine finit par déstabiliser les démocraties occidentales.

Cette analyse établit une responsabilité indirecte mais réelle des dictatures africaines dans la montée des populismes européens, un lien rarement évoqué avec autant de clarté dans le débat public.

Face à ce constat alarmant, Cellou Dalein Diallo a plaidé pour un retour aux fondamentaux démocratiques. « En rétablissant l’État de droit, en garantissant l’indépendance de la justice et en rendant nos Constitutions inviolables, l’Afrique pourra donner des emplois décents et de l’espoir à sa jeunesse », a-t-il affirmé.

Cette vision place la gouvernance démocratique au centre de la solution migratoire, suggérant que seul le respect des libertés fondamentales et des institutions peut freiner l’hémorragie démographique que connaît l’Afrique de l’Ouest.

Cette intervention à la Sorbonne, organisée conjointement par l’Association de Sciences Po pour l’Afrique (ASPA), le Sorbonne African Business Club (SABC) et les Étudiants de la Sorbonne pour le Monde Africain (ESMA), offre à Cellou Dalein Diallo une tribune prestigieuse pour porter son message au-delà des frontières guinéennes.

Dans un message publié sur sa page Facebook après la conférence, le président de l’UFDG a chaleureusement remercié les organisateurs de lui avoir « donné l’opportunité de s’exprimer sur ces questions qui préoccupent l’Afrique et le monde ».

Cette prise de parole s’inscrit dans la stratégie de l’opposant guinéen d’internationaliser la question démocratique en Guinée, en la reliant aux préoccupations majeures des pays occidentaux, notamment la question migratoire et la stabilité démocratique globale.

Sékou Sylla 

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