Il y avait des élections au Gabon le samedi 26 août 2023. Le président Ali Bongo, victime d’un AVC lors d’un déplacement en Arabie saoudite, devenu handicapé, s’est tout de même représenté à un troisième mandat. A la suite d’un grave accident cardio-vasculaire en Arabie-Saoudite, du 24 octobre 2018, le président Ali BONGO avait, pendant longtemps, disparu de la circulation. Certains même avaient annoncé prématurément sa mort. Puis, le président Ali est réapparu, complètement diminué, aphasique et impotent. Il avait du mal à monter les marches de l’Elysée et a failli s’écrouler sur le perron, n’eût été la main secourable du président Emmanuel MACRON. Visiblement, le président BONGO n’avait plus l’aptitude physique depuis 5 ans de gouverner le pays. Or, tout est fait par la Françafrique pour pousser le président Ali BONGO, du Parti Démocratique Gabonais (P.D.G), devenu un pantin, «un légume» à se présenter à un troisième mandat aux présidentielles du 26 août 2023. On parle de liberté et de démocratie pour les Ukrainiens, mais quand il s’agit de confisquer les matières premières des pays africains, on ne recule devant rien. L’aboulie est une cause de destitution d’un chef de l’Etat.
Au pouvoir depuis le 16 octobre 2009, M. Ali BONGO, né le 9 février 1959, à Brazzaville, un enfant adoptif, est lui-même une création de Jacques FOCCART (1913-1997), le Monsieur Françafrique du général de GAULLE «Ali Bongo, actuel chef de l’État gabonais, est une création de Jacques Foccart, le tout-puissant conseiller du général de Gaulle qui avait la haute main sur la politique africaine de la France et sur ses services secrets. Né dans l’ex-province nigériane du Biafra, Ali fut recueilli à Libreville, et ce sont les «réseaux Foccart» qui convainquirent Albert BONGO, président en exercice, de l’adopter. Cette adoption constitue un épisode de la guerre secrète menée par la France pour aider les Biafrais à faire sécession d’avec la fédération du Nigeria : la déclaration d’indépendance, fin mai 1967, a été suivie d’une guerre civile qui ne s’est achevée qu’en janvier 1970» écrit Pierre PEAN, dans son livre «Nouvelles affaires africaines, mensonges et pillages au Gabon». La République est abolie par un système d’héritage. Ali BONGO avait même proposé à Jacques CHIRAC d’instaurer une monarchie du Gabon : «Un soir, Jacques Foccart reçoit un appel téléphonique du fils du Président gabonais, Ali Bongo, qui souhaite transmettre quelque chose d’important au Premier ministre : il voudrait installer la royauté au Gabon, ce qui permettrait d’économiser l’argent dépensé lors des élections. Comme à son habitude, Foccart écoute puis demande audience à Chirac afin de lui expliquer l’objet de la visite du dirigeant gabonais. Son conseil est sans appel : le dissuader de faire une bêtise pareille» révèle Frédéric TURPIN, dans son ouvrage «Jacques Foccart, dans l’ombre du pouvoir». Au pays des droits de l’homme, avec son message universel, personne ne s’avise à dénoncer de ce système monarchique au Togo, au Tchad et en particulier au Gabon : «Bongo est l’ami de Giscard, Giscard est l’ami de Bongo, la France est l’amie du Gabon», chantait-on déjà, en 1976, lors d’une visite de VGE. Dans ces pays, «les mallettes d’argent» suivant le titre d’un ouvrage de Pierre PEAN, circulent. Pourquoi s’en priver ?
Jadis le Gabon était une terre de relégation pour les résistants à la colonisation, comme le guide religieux mouride sénégalais Cheikh Ahmadou Bamba BA (1853-1927, voir mon article du 17 août 2020) de 1895 à 902 ou le chef de l’empire du Wassoulou, le guinéen, Samory TOURE (1830-1900), déporté en 1898 et mort dans ce pays le 2 juin 1900. C’est Sékou TOURE (1922-1984) qui finira par rapatrier, en 1968, ses restes en Guinée. Bien avant la fermeture des frontières en Europe, les immigrants sénégalais, notamment les Peuls, avaient l’habitude de s’expatrier en Côte-d’Ivoire, au Congo et au Gabon, jadis, des pays prospères et stables. Cependant, de nos jours, l’insécurité est très grande dans ces pays, en particulier au Gabon. En effet, on observe au Gabon une recrudescence de l’arbitraire, d’humiliations, de rackets permanents et d’agressions à l’encontre des commerçants sénégalais qui se sentent, scandaleusement, peu soutenus par leur pays d’origine. 15 députés de la diaspora et tout cela, pour ça ! En effet, au Gabon, il existe ce que les voyous appellent la «janviose», après les fêtes de fin d’année, quand ils sont fauchés, c’est aux commerçants sénégalais de casquer.
A chaque élection présidentielle au Gabon, certains en profitent pour molester les commerçants sénégalais et les dépouiller de leurs biens. Aussi, à l’approche de cette échéance, un grand vent de panique s’est installé au sein de la communauté sénégalaise au Gabon. Depuis 2022, des commerçants ont été sauvagement assassinés au Gabon (11 janvier 2023, ligoté et bâillonné le corps de Amadou DIOP a été jeté dans une poubelle à Acaé ; Souleymane DIAW en 2022 à Port Gentil ; Abdoulaye BA en février 2022 à Port Gentil, Harouna Sidy SY, à Franceville, Aliou BA, au quartier Massuku à Port-Gentil dans l’Ogooué-Maritime).
Le clan BONGO dirige ce petit pays de 2 millions d’habitants, dont 500 000 étrangers, faisant la moitié de la France, depuis plus de 50 ans. Le Gabon, un Etat sous peuplé dont la population ne cesse de décroître, est un scandale géologique disposant de ressources minières inestimables (Pétrole, bois, or, uranium, cuivre, zinc, niobium, cobalt, étain, manganèse, etc.). Par conséquent, on comprend mieux que le Gabon, colonie française depuis 1882, soit, dès l’indépendance en 1960, l’une des places fortes de la Françafrique, dirigée par un régime monarchique et dynastique depuis 1967 : la famille BONGO. En effet, M. Ali BONGO avait succédé à son père adoptif, Omar BONGO (1935-2009) président du Gabon du 2 décembre 1967 au 8 juin 2009 date de son décès. Auparavant, M. BONGO a été premier ministre puis vice-président de Léon MBA, premier président du Gabon indépendant mort à Paris.
Le 30 août 2023, Ali BONGO a prétendu être réélu à un troisième mandat à 64,27%. Cependant, et pour la première fois, l’opposition avait réussi à désigner un candidat unique, M. Albert Ondo Ossa. Il faut dire que chaque élection présidentielle au Gabon est émaillée de graves contestations sur la sincérité du scrutin et donc de graves violences. Très souvent ce sont des personnalités du sérail, comme Jean PING, la fois dernière, qui participent à la succession du trône. Cette fois-ci l’opposition a eu la volonté et la prétention de partir unie. Les résultats du scrutin tardaient à être publiés, dans une élection sans observateurs, l’Internet coupé et certains médias français interdits. Le 30 août 2023, les militaires, conduits par le colonel Brice NGUEMA, ont annoncé l’annulation des élections du 26 août 2023 et la dissolution de toutes les institutions gabonaises, après avoir constaté selon eux «une gouvernance irresponsable, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion nationale, risquant de conduire au chaos ; nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place» dit la junte militaire gabonaise.
Quelles conséquences de ce nouveau coup d’Etat au Gabon, après la Guinée, le Mali, le Niger et le Burkina-Faso, pour la Françafrique, avec ses régimes monarchiques et dynastiques, après celui du Niger, notamment au Cameroun, au Tchad, au Togo, en RCI en Guinée Équatoriale et au Sénégal ?
L’Afrique est riche, mais ses populations sont pauvres. L’Afrique, c’est le continent du «Tout et du Presque Rien» tel le titre d’un ouvrage de Sami TCHAK. Charles de GAULLE et Jacques FOCCART (Voir mon article, Charles de Gaulle et l’Afrique, Médiapart, 27 juillet 2023) ont mis en place en 1960, un système d’indépendance des Africains dans la dépendance du colonisateur. 52 chefs d’Etat ou de gouvernement africains qui avaient eu la volonté de s’émanciper de l’Empire colonial ont été assassinés. Finalement, 63 ans après les indépendances, les jeunes ne recherchent qu’à traverser la mer en pirogue ou à faire l’apologie de régimes militaires dont l’objectif, en dépit d’un discours généreux ou démagogique, est très loin d’instaurer la démocratie et le bien-être des populations.
En tout cas, en dépit de sa faible population et de ses richesses, les Gabonais vivent dans la pauvreté, notamment le manque d’infrastructures auquel s’ajoute les coupes d’eau dans un pays de la forêt où il pleut abondamment. Quel paradoxe ?
Ce coup d’Etat au Gabon, pose aussi fondamentalement l’avenir de la Françafrique avec ces régimes monarchiques et dynastiques. On sait comment il a fini Abdelaziz BOUTEKLIKA (1937-2021, voir mon article) de l’Algérie, et personne n’entend parler de Paul BIYA, président du Cameroun, depuis 1982, soit 41 ans (voir mon article). Depuis l’indépendance, le Gabon, c’est un juteux gâteau, c’est leur chose. «Charles de GAULLE s’est d’abord laissé surprendre par un putsch civil au Congo-Brazzaville le 15 août 1963 : Jacques FOCCART était en vacances !
On ne l’y reprendra pas. Le 18 février 1964, il envoie les parachutistes au Gabon pour rétablir le premier président gabonais, Léon M’BA, renversé la veille par un coup d’État militaire» écrit Antoine GLASER dans «Arrogant comme un Français en Afrique».
Le Gabon, cette place forte de la Françafrique, est un pays emblématique du grand scandale de ce qui se passe en Afrique : un continent riche, mais dont les populations sont misérables. Le système Bongo est bien huilé «Depuis l’explosion des prix du pétrole, le Gabon est revenu à l’économie de cueillette. Les pétro-francs ont remplacé les bananes et les mangues, et encore fragilisé un peu plus la société gabonaise. Hier, fruits, légumes et produits de la chasse étaient répartis selon des règles immuables et équitables; aujourd’hui, Bongo, sa famille et son entourage sont les seuls à régler la répartition des richesses attribuées à chacun. Ces richesses sont produites pour l’essentiel par des mercenaires étrangers : la plus grande part de la manne provient en effet de l’extraction du pétrole. Et Elf-Gabon, qui assure 85 % des recettes pétrolières, se trouve bon gré mal gré enfermée avec le Président gabonais dans un tête-à-tête dont dépend toute l’économie du pays» écrit Pierre PEAN, dans «Affaires africaines». C’est un pays sous-peuplé et curieusement dont le nombre d’habitants ne cesse de régresser. Les scientifiques ont remarqué un nombre particulièrement élevé d’hommes gabonais stériles. Ce point n’a jamais été bien creusé, notamment l’origine de cette stérilité. On sait maintenant que les Juifs Falachas d’Israël ont été stérilisés, à leur insu, au moment de leur insu. Est-ce un coup de la Françafrique, un génocide ne disant pas son nom, pour s’accaparer davantage des richesses en bois, en pétrole et gaz de ce petit pays, gouverné par un zombie ? «Au Gabon, dans les villages, les Gabonais vivent à peu près comme à l’époque de l’arrivée du docteur Schweitzer. Ils ne bénéficient pratiquement d’aucun revenu dérivé du pétrole. A travail égal, les «expatriés» sont au Gabon mieux payés que les Gabonais, et s’ils font des affaires, tout est mis en œuvre pour qu’elles leur soient éminemment profitables» écrit Pierre PEAN, dans «Affaires africaines».
Coopération juste et équitable dans le respect mutuel oui.
Esclavage permanent, non ! Les temps ont changé, il est temps de changer la politique africaine de la France en Africaine, faite de soumission et de prédation, en temps en une véritable coopération mutuellement avantageuse. Je sais que le gâteau est juteux, le bonheur de certains étant fondé sur le malheur des autres, mais pour ma part, il n’est jamais trop tard de bien faire. C’est là une conviction profonde, fondée sur l’intérêt de la France, sur le long terme ; c’est le bon sens et la rationalité, pour un pays dit cartésien. A défaut, un jour, tout peut être perdu, irrémédiablement, et ce que je ne souhaite pas.
Dans ce système de pillage et de domination séculaire, l’Occident est empêtré dans ses certitudes et son bon droit «Nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées» disait malicieusement et de façon narquoise, Valéry GISCARD-D’ESTAING (1926-2020, voir mon article). C’est donc «l’Empire qui ne veut pas mourir» pour reprendre le titre d’un ouvrage de notre ami, Amzat BOUKARI YABARA. «Il faut que le Nord ait suffisamment de bon sens et de modestie pour comprendre qu’il peut apprendre quelque chose des pays du Sud» disait l’historien Burkinabé, Joseph KI-ZERBO (1922-2006).
Par Amadou Bal BA