𝐐𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐥𝐚 𝐫𝐢𝐯𝐚𝐥𝐢𝐭é 𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫𝐞𝐮𝐬𝐞 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐒é𝐤𝐨𝐮 𝐓𝐨𝐮𝐫é 𝐞𝐭 𝐇𝐨𝐮𝐩𝐡𝐨𝐮𝐞𝐭-𝐁𝐨𝐢𝐠𝐧𝐲 𝐝𝐞𝐜𝐥𝐞𝐧𝐜𝐡𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐜𝐫𝐢𝐬𝐞 𝐝𝐢𝐩𝐥𝐨𝐦𝐚𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞

    0
    775

    Rallou Miloyanis, métisse gréco-guinéenne originaire de Kankan, incarne la perfection. Sa beauté envoûtante et son charme irrésistible attirent tous les regards. Très jeune, elle devient une figure magnétique, fascinant son entourage et suscitant une avalanche d’admirateurs.

     

    Après avoir débuté ses études en Guinée, Rallou se laisse séduire par Koné Mamadou (ancien ministre ivoirien) et s’installe avec lui en Côte d’Ivoire. Mais sa réputation de beauté exceptionnelle parvient jusqu’aux oreilles du président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny.

     

    Envoûté par son charme, celui-ci développe une véritable obsession pour elle et met tout en œuvre pour la conquérir.

     

    La situation bascule lorsque Mamadou Koné est arrêté pour complot contre Houphouët-Boigny. Désemparée, Rallou retourne en Guinée, où elle entame une liaison avec le président guinéen, Sékou Touré.

     

    Pourtant, quoique marié, Houphouët-Boigny ne renonce pas. Il parvient à convaincre la mère de Rallou de lui céder sa fille en échange d’une mirobolante somme d’argent. Avec ce consentement, il fait venir Rallou en Côte d’Ivoire, avant de l’envoyer à Paris dans un luxueux appartement à ses frais.

     

    Pour renforcer ses liens avec la famille de Rallou, il fait également transférer son frère, Takis Miloyanis, de l’Allemagne à Paris.

    Lorsque Sékou Touré apprend que Rallou a rejoint Houphouët-Boigny, il explose de colère.

     

    La situation est explosive : deux chefs d’État amoureux de la même femme ! Le flilleul et son parrain amoureux de la même femme. En effet, Houphouët a été le parrain de Sékou Touré au sein du RDA en 1955.

     

    Se sentant trahi, Sékou Touré ordonne l’arrestation de Kamano Kata François, beau-frère de Rallou et haut fonctionnaire ivoirien, alors en visite en Guinée. Kamano est accusé d’avoir acheté Rallou Miloyanis à hauteur de 4 millions de francs CFA à sa famille pour la mettre à la disposition de Houphouët-Boigny.

     

    Il est aussi accusé de subversion et de connivence avec Houphouët-Boigny pour déstabiliser le régime guinéen.

    En représailles, le président ivoirien fait arrêter plusieurs responsables guinéens, dont Lansana Béavogui, ministre des Affaires étrangères, et Marof Achkar, ambassadeur de Guinée à l’ONU. Ces arrestations, survenues à Abidjan après une escale forcée de leur avion de retour de l’assemblée générale des Nations Unies , marquent un point culminant de la crise diplomatique entre les deux pays.

     

    Cependant, réduire ce conflit à une simple rivalité amoureuse serait simpliste. L’indépendance de la Guinée en 1958, perçue comme un affront par la France, a alimenté une série d’initiatives pour affaiblir le régime de Sékou Touré. Sous l’impulsion du général de Gaulle et de Jacques Foccart, des stratégies insidieuses sont mises en place : inondation du pays avec de faux francs guinéens, soutien aux opposants en exil, et diffusion de fausses informations pour déstabiliser la Guinée. Houphouët-Boigny, fervent allié de la France, devient un acteur clé de ces manœuvres.

     

    Le contexte se complique davantage avec l’arrestation de Petit Touré, un riche commerçant guinéen et proche d’Houphouët-Boigny, qui avait osé déposé les statuts d’un parti d’opposition en Guinée, le Parti de l’unité nationale de Guinée (P.U.N.G.).

     

    Cet acte est perçu par Sékou Touré comme une tentative de renversement de son régime. Petit Touré, arrêté avec plusieurs complices dont les anciens ministres, Bengali Camara, Tounkara Jean Faragué, meurt dans les terribles conditions du sinistre camp Boiro.

    Kamano est également accusé d’être un intermédiaire entre Petit Touré et Houphouët-Boigny, notamment pour avoir financé des activités subversives et facilité des réunions de rebelles à Paris, dans la résidence de Rallou.

     

    La tension entre les deux chefs d’État atteint son apogée. Des incidents éclatent aux frontières, tandis que la diaspora guinéenne en Côte d’Ivoire crée en 1966 le Front de Libération Nationale de Guinée. Malgré l’escalade, Kamano est libéré en 1967, après deux ans de détention, grâce à une action d’éclat des autorités ivoiriennes.

     

    Pendant que ces conflits politiques et sentimentaux s’enchaînent, Rallou trouve une issue inattendue à son histoire. À Paris, elle fait la connaissance de Jacques Baudin, un étudiant sénégalais en droit, dont elle devient l’épouse. Ce brillant avocat poursuit une carrière politique marquante, occupant plusieurs postes ministériels au Sénégal dans les années 1990.

     

    Cette saga, où la passion et la politique s’entrelacent, illustre combien des rivalités personnelles peuvent exacerber des tensions géopolitiques. Dans son documentaire Les 7 femmes d’Houphouët, le journaliste Serge Bilé met en lumière cette fascinante histoire, symbole d’un amour impossible pris dans la tourmente des ambitions d’État.

    Arol KETCH 

    Rat des archives