24 octobre 1997-2025 : Il y a 28 ans, la Guinée perdait sa plus belle voix sportive

0
87

Vingt-huit ans. Vingt-huit longues années que le silence a recouvert l’assassinat sauvage de Boubacar Kanté, ce fils de Dabola devenu l’une des voix les plus emblématiques du journalisme sportif africain. En cette journée du 24 octobre 2025, la Guinée se souvient avec émotion de cet homme dont la vie a été brutalement fauchée à la veille de son retour triomphal au pays.

C’était censé être un nouveau départ. Après un quart de siècle passé en exil volontaire en Côte d’Ivoire, Boubacar Kanté s’apprêtait enfin à rentrer au bercail. Le Général Lansana Conté en personne lui avait tendu la main, lui proposant le prestigieux poste de Directeur du Bureau de Presse de la Présidence de la République. Quel honneur ! Une reconnaissance. Un retour aux sources après 25 ans d’absence.

Mais le destin en a décidé autrement. Dans la nuit du 24 octobre 1997, à son domicile d’Abidjan, Boubacar Kanté a été assassiné dans des circonstances qui demeurent, encore aujourd’hui profondément enveloppées d’un mystère glaçant.

Le peuple guinéen qui se préparait à accueillir un héros vivant a finalement reçu un cercueil. Sa dépouille mortelle a été rapatriée à Dabola, sa terre natale, où il repose désormais auprès de sa mère. Mais son âme, elle, continue de crier justice.

Né à Dabola, Boubacar Kanté était un enfant de cette Guinée profonde où se mêlaient le travail aux champs, l’école coranique et l’école française.

Après ses études au lycée de Kindia, il occupera dans les années 1970 des fonctions importantes en Guinée, notamment comme directeur de Syliphone, le label mythique qui a fait rayonner la musique guinéenne dans le monde entier.

Mais c’est en Côte d’Ivoire que Boubacar Kanté va véritablement révéler son génie.

Journaliste sportif de profession, il était surtout un conteur, un poète du ballon rond, un homme capable de transformer un simple match de football en épopée. Sa voix résonnait dans les salons, dans les maquis, dans les rues d’Abidjan. Il était devenu l’âme des Éléphants de Côte d’Ivoire.

En 1992, lors de la Coupe d’Afrique des Nations disputée à Dakar, Boubacar Kanté a accompagné les Éléphants jusqu’au sacre continental. Son commentaire vibrant, passionné, électrique, a marqué toute une génération de supporters. Il ne décrivait pas un match, il le vivait, il le faisait vivre. Chaque but était une victoire personnelle, chaque victoire une consécration collective.

Parallèlement, il louait ses services à Africa Numéro 1, la radio panafricaine de référence, où ses prestations « à couper le souffle » ont fait de lui une légende du micro. Figure pionnière de l’Union des Journalistes Sportifs Africains (UJSA), il a parcouru les quatre coins du monde, portant haut les couleurs du journalisme africain.

Mais derrière le micro et les projecteurs, Boubacar Kanté était aussi un homme profondément ancré dans les réseaux de pouvoir de son pays d’adoption. Bien introduit dans les milieux politiques et économiques ivoiriens, il détenait, selon ceux qui l’ont côtoyé, « beaucoup de secrets gênants ».

Est-ce cette connaissance intime des coulisses du pouvoir qui lui a coûté la vie ? La question demeure sans réponse. En 1997, une enquête avait été annoncée pour déterminer les circonstances de cet assassinat et situer les responsabilités. Vingt-huit ans plus tard, rien. Pas un coupable identifié, pas un procès, pas une condamnation. Le silence absolu.

L’affaire a-t-elle été classée sur l’autel des raisons d’État ? Tout porte à le croire. Un crime parfait, ou plutôt un crime protégé par l’omerta politique et diplomatique.

Aujourd’hui, en ce 24 octobre 2025, la Guinée et l’Afrique du journalisme sportif ont le devoir de se souvenir. De ne pas laisser l’oubli achever ce que les assassins ont commencé.

Boubacar Kanté n’était pas qu’un journaliste, c’était une voix, une conscience, un symbole de cette génération de Guinéens talentueux contraints à l’exil pour exercer leur art.

Son assassinat impuni reste une plaie ouverte dans la conscience collective guinéenne. Une injustice qui interpelle les autorités actuelles : n’est-il pas temps, 28 ans après, de rouvrir ce dossier ? De demander des comptes ? De rendre justice à cet homme et à sa famille qui attend encore la vérité ?

À Dabola, dans ce coin de terre où il repose auprès de sa mère, Boubacar Kanté dort d’un sommeil que rien ne peut troubler. Mais sa mémoire, elle, refuse de s’éteindre. Elle vibre encore dans le cœur de ceux qui l’ont aimé, écouté, admiré.

Vingt-huit ans après, nous nous souvenons. Nous refusons d’oublier. Et nous continuons d’espérer que la vérité finira par éclater, que la justice finira par triompher.

Repose en paix, fils de Dabola. Ton micro s’est tu, mais ta voix résonne encore dans nos mémoires.

Une synthèse  de Minkael BARRY 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici