« Cet appel à la grève met en péril l’État de droit ! » –

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Contribution
Avis juridique d’un magistrat sur la « grève » de l’AMG

Marwane Baldé : « Cet appel à la grève met en péril l’État de droit ! »

En tant que magistrat en exercice de la République de Guinée, je suis profondément désappointé et désapprouve l’attitude inappropriée de certains de mes collègues. Ces derniers expriment actuellement leur désaccord envers le ministre de la Justice et Garde des Sceaux de manière inappropriée.

Leur mécontentement fait suite à la suspension d’un juge et d’un substitut du procureur près le tribunal de première instance de Labé. Au nom de l’Association des magistrats de Guinée (AMG), ils ont utilisé les médias pour exprimer leur colère et accuser le ministre d’entraver l’indépendance de la justice, sans passer par une assemblée générale préalable.

Le point culminant de leur protestation a été une manifestation devant le siège de la Cour suprême, une action qui soulève de nombreuses interrogations.

Cette manifestation est préoccupante à plusieurs égards. Tout d’abord, elle a eu lieu dans un contexte où les manifestations de rue sont interdites par le CNRD pour préserver la quiétude sociale. En outre, les magistrats ont organisé cette manifestation publique en portant la robe à rabat blanc et son épitoge, symboles d’uniformité et d’égalité du pouvoir judiciaire réservés aux audiences solennelles et ordinaires dans les palais de justice. Cette action soulève des questions quant à l’exemple que les magistrats devraient donner, et au sentiment d’injustice que pourraient ressentir les citoyens qui seraient traduits en justice pour avoir enfreint l’interdiction de manifester sur la voie publique.

Il convient de mentionner que, selon le Statut des magistrats, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, peut engager une procédure disciplinaire contre un magistrat pour diverses raisons, notamment des manquements à l’éthique, des fautes professionnelles graves, des infractions pénales ou tout comportement compromettant l’indépendance ou la dignité de la fonction judiciaire. Lorsqu’un magistrat est suspendu, il a la possibilité de contester cette décision devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’organe indépendant chargé de l’administration et de la discipline des magistrats.

Le magistrat suspendu peut présenter sa défense devant le CSM et contester la mesure disciplinaire. Le CSM examine ensuite le dossier et rend une décision finale. Il est important de souligner que le CSM doit être saisi dans les trente jours, faute de quoi le magistrat reprend automatiquement ses fonctions.

Il est donc difficile de comprendre pourquoi des magistrats, censés connaître leurs droits et devoirs, ignorent délibérément le recours prévu en l’occurrence et appellent à la grève ou au débrayage pour arrêter le fonctionnement des cours et tribunaux, sans respecter les règles établies par les lois et règlements applicables aux magistrats et aux juridictions. Cette action attaque les fondements mêmes de l’État. Il est essentiel que le ministre de la Justice veille au respect des lois et règles régissant le fonctionnement du système judiciaire.

En conclusion, je regrette profondément cette situation qui ternit l’image exemplaire et le modèle que nous, en tant que magistrats, devons incarner. J’insiste sur l’application stricte des lois et règlements relatifs aux magistrats et aux juridictions. J’appelle également au renforcement de la capacité de veille et de vigilance du gouvernement pour garantir le respect et la promotion des lois et libertés fondamentales en République de Guinée.Vive la justice guinéenne.!
Non à la violation des lois de la République !