INDIGNATION À KANKAN : DES JOURNALISTES ACCUSÉS DE RÉCUPÉRATION POLITIQUE ET DE MANIPULATION

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INDIGNATION À KANKAN : DES JOURNALISTES ACCUSÉS DE RÉCUPÉRATION POLITIQUE ET DE MANIPULATION

Le syndicat de la presse et l’association des journalistes de Kankan s’insurgent contre un collectif pro-CNRD qui prétend représenter toute la profession

Une vive polémique secoue actuellement le paysage médiatique guinéen. L’Association des Journalistes de la Région de Kankan (AJRK) et le Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG) ont publié un communiqué conjoint fustigeant la création d’un mouvement controversé de journalistes se réclamant ouvertement du soutien au CNRD, le pouvoir militaire en place.

Ce collectif, baptisé « Collectif des Journalistes Professionnels pour la Promotion des Acquis du CNRD » (CJPPAC), vient d’être créé dans la capitale de la Haute-Guinée, provoquant un tollé dans la profession. Les organisations professionnelles dénoncent particulièrement les méthodes employées par ce groupe pour se légitimer.

« C’est une première depuis l’avènement du CNRD au pouvoir en 2021 », s’inquiète un observateur du paysage médiatique guinéen. « Alors que la plupart des journalistes se battent pour l’indépendance des médias libres en donnant la parole à toutes les tendances, cette initiative soulève des questions fondamentales sur l’éthique journalistique. »

Le communiqué de l’AJRK et du SPPG ne mâche pas ses mots. Les deux organisations accusent les membres du collectif de propager « sur les réseaux sociaux et autres canaux de communication l’idée selon laquelle tous les journalistes de Kankan seraient affiliés à leur initiative », une allégation qualifiée de « totalement fausse et inacceptable ».

Une manipulation qui fragilise la profession

Pour Michel Pivi, représentant du SPPG signataire du communiqué, cette situation est préoccupante : « Nous dénonçons fermement cette manipulation visant à induire l’opinion en erreur. » Il rappelle que « le journalisme repose sur des principes fondamentaux, notamment l’indépendance, l’éthique et le respect de la vérité. »

L’appel est clair : les responsables du CJPPAC sont sommés de « cesser immédiatement ces allégations mensongères qui ternissent l’image des journalistes de Kankan et de la profession dans son ensemble. »

Cette affaire met en lumière les tensions qui traversent actuellement le journalisme guinéen, écartelé entre la recherche d’indépendance professionnelle et les pressions politiques exercées sur les médias depuis le coup d’État de 2021.

Un équilibre difficile entre reconnaissance et indépendance

Paradoxalement, le même communiqué qui dénonce la création du collectif pro-CNRD contient également des remerciements appuyés aux autorités actuelles. L’AJRK et le SPPG « réitèrent leur reconnaissance à l’endroit du chef de l’État, du gouvernement et de l’ensemble des autorités pour toutes les multiples contributions, assistance et actions sans cesse en faveur de l’amélioration des conditions de vie des femmes et hommes de média de la région. »

Le texte mentionne notamment « l’octroi et l’inauguration pour la première fois d’une maison de la presse à l’intérieur du pays » et remercie « le Premier ministre chef du gouvernement, M. Amadou Oury Bah, et le ministre de l’Information et de la Communication pour leurs engagements auprès du chef de l’État, en vue du déblocage des fonds annoncés pour l’achat des équipements. »

Cette apparente contradiction reflète le dilemme auquel sont confrontés de nombreux journalistes dans le pays : comment concilier le besoin de soutien matériel, dans un contexte économique difficile pour la presse, avec la nécessaire indépendance éditoriale?

Pour Laye Famo Condé de l’AJRK, la ligne est claire : « Nous appelons tous les journalistes de Kankan à rester vigilants et à ne pas se laisser instrumentaliser par des groupes qui ne respectent pas les valeurs fondamentales du métier. »

Cette affaire survient dans un contexte déjà tendu pour la presse guinéenne, marqué par la fermeture de plusieurs médias indépendants depuis 2021 et l’emprisonnement de figures du journalisme, rappelant l’importance cruciale de préserver l’indépendance d’une profession plus que jamais sous pression.

Minkael BARRY 

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