Libye : environ 200 migrants, victimes de torture, libérés d’une prison secrète de Kufra

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Environ 200 migrants, dont des femmes et des enfants, ont été libérés par les autorités dimanche d’une prison secrète à Kufra, dans le sud-est de la Libye. Les exilés étaient retenus depuis un an dans ce lieu, où ils ont subi de multiples tortures en échange d’une rançon pour leur libération.

 

Les autorités libyennes ont annoncé lundi 6 mai avoir libéré quelque 200 migrants retenus illégalement dans une prison non officielle. L’opération a été menée dimanche par le Département des enquêtes criminelles (CID) de Benghazi, après « avoir reçu des informations sur l’existence d’une maison servant de repaire pour immigrants », indique un communiqué du ministère de l’Intérieur.

 

Selon les premiers témoignages, les exilés étaient retenus dans la prison depuis près d’un an. Entassés dans des pièces transformées en cellules, ils affirment avoir subi des violences de la part de leurs ravisseurs. Les migrants « ont été brutalement torturés » afin de forcer leurs familles à payer de « grosses sommes d’argent » pour payer leur libération, précise le communiqué. Leur nationalité n’a pas été communiquée.

Des femmes et des enfants parmi les victimes

Des femmes et des enfants étaient également retenus dans cette maison clandestine de Kufra. Des photos publiées par le ministère de l’Intérieur sur Facebook montrent une dizaine de femmes assises par terre pendant l’opération policière. On peut aussi y voir des hommes sur des civières, transportés dans des ambulances.

Les policiers ont par ailleurs saisi dans la prison de l’argent, des armes et des téléphones – sûrement utilisés pour appeler les familles des exilés retenus captifs pendant qu’ils étaient torturés par les trafiquants.

 

Plusieurs personnes ont été interpellées mais le propriétaire de la maison, un Libyen soupçonné d’être à la tête de ce trafic, est quant à lui toujours en fuite. Il est « activement recherché » par les autorités. La prison clandestine a été démolie.

De nombreuses prisons secrètes de ce type en Libye

Les prisons non officielles comme celle de Kufra sont nombreuses en Libye, en proie au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Les milices ont trouvé dans la question migratoire une manière de s’enrichir. Les groupes armés n’hésitent pas à kidnapper des exilés en pleine rue ou dans leur appartement, à filmer les tortures infligées dans le but d’extorquer de l’argent à leurs proches.

InfoMigrants a recueilli ces dernières années nombre de témoignages d’exilés racontant les sévices subis dans les prisons clandestines. Plusieurs personnes ont également expliqué craindre de sortir dans les rues, par peur d’un enlèvement.

 

En 2022, la rédaction s’était procuré une vidéo d’un adolescent soudanais torturé dans un de ces centres. Le garçon de 15 ans avait été enlevé à Tripoli alors qu’il partait travailler.

Sur les images, on pouvait y voir le jeune africain, recroquevillé au sol dans une pièce sombre, subir les foudres de son ravisseur. Muni d’une arme, son bourreau alterne les coups et les simulacres d’exécution, tandis que le jeune exilé tente de se protéger le visage.

 

« L’argent… où est l’argent ? », répète à plusieurs reprises l’homme parlant arabe. « Tu n’as pas d’argent ? Je ne te crois pas… Donne-moi 5 000 [dinars libyens, soit environ 1 000 euros, ndlr] et tu pourras sortir d’ici », insiste-t-il tout en frappant avec un bâton et son arme le migrant à terre. L’homme fait mine de réarmer son fusil et lance : « La prochaine sera dans ta tête ».

 

Transfert dans des prisons officielles

Les migrants de Kufa, eux, ont été pris en charge par les autorités après leur libération. D’après le compte X (ex-Twitter) de Refugees in Libya – qui documente la situation des migrants dans le pays – les exilés ont été transférés dans des centres de détention gérés par le département libyen de lutte contre la migration illégale (DCIM).

 

Mais dans ces structures aussi, ils vivent dans des conditions particulièrement difficiles. Les migrants y sont la cible de violences, d’extorsion, de travail forcé ou encore de viols. Plusieurs ONG et de nombreux médias, dont InfoMigrants, ont ces dernières années largement documenté les conditions de vie dans ces prisons, qualifiés par les exilés d’ »enfer sur terre ».