Le 22 janvier 2007, un épisode sombre de l’histoire de la Guinée marquait un tournant décisif dans les relations entre le peuple et le gouvernement guinéen. À cette époque, une révolte populaire éclata à Conakry, alimentée par des revendications sociales et politiques grandissantes contre le régime du président Lansana Conté. Une revendication pilotée à l’époque par les défunts syndicalistes Ibrahima Fofana de l’USTG et Hadja Rabiatou Serah Diallo, de la CNTG.
Ce soulèvement a été réprimé dans le sang par l’armée, notamment les bérets rouges de la garde présidentielle, proches du fils aîné du président Lansana Conté, feu, capitaine Ousmane Conté, causant la mort d’au moins 150 personnes, bien que certains rapports évoquent un chiffre bien plus élevé.
Dix-huit ans après ces événements tragiques, le pays se trouve à un carrefour de mémoire, d’interrogations et de remises en question. Les plaies de cette révolte restent ouvertes dans l’esprit de nombreuses familles et dans la mémoire collective.
En janvier 2007, la Guinée vivait sous un rrégime quasi répressif, dirigé par le feu Général Lansana Conté vieillissant, dont le pouvoir, déjà critiqué pour sa gestion chaotique et ses dérives autoritaires, sombrait dans la corruption, le népotisme et l’indifférence face aux besoins croissants de la population.
D’ailleurs, Lansana Conté à l’époque n’a pas hésité de déclarer sans équivoque : » la justice c’est moi », après avoir libéré lui même son ami Mamadou Sylla et son ancien ministre Fodé Soumah déposés à la maison centrale de Conakry pour de scandales financiers.
Aussi, il faut ajouter à ce chapelets de revendications, la flambée des prix des denrées de première nécessité, la mauvaise gestion des ressources naturelles et le manque de perspectives pour la jeunesse ont exacerbé les frustrations.
Le peuple guinéen, notamment les syndicats, les étudiants et les jeunes, se leva pour réclamer plus de justice sociale, d’équité et d’opportunités. Leurs revendications étaient claires : une meilleure gestion de l’économie, un accès équitable aux services publics, et surtout, la fin de l’impunité.
Ce climat de terreur a poussé des milliers de Guinéens dans les rues de Conakry et à l’intérieur du pays demandant des réformes immédiates et un changement de leadership.
Les édifices publics notamment les gendarmeries, la police, les bureaux des préfets et gouverneurs ont été saccagés ou incendiés par les manifestants surexcités.
Face à ce soulèvement, le gouvernement de Lansana Conté, plutôt que d’entendre les revendications légitimes du peuple, choisit d’utiliser la violence pour étouffer la contestation. Les bérets rouges, une unité d’élite de l’armée, sont déployés dans les rues de Conakry pour disperser les manifestants.
Ce fut le début d’une répression sanglante qui coûtera la vie à plus de 150 personnes. Les images de manifestants tués, de femmes et d’hommes battus et emprisonnés, sont restées gravées dans les mémoires de la population. Le bilan humain de cette révolte, tragique et profondément injuste, a choqué la conscience nationale et internationale.
La terreur avait atteint un niveau de barbarie intolérable jusqu’à ce que Hadja Rabiatou Serah Diallo a même accusé l’armée Bissau guinéenne de venir à la rescousse des militaires guinéens pour intensifier la répression.
La violence policière et militaire, qui a marqué cette journée de janvier, a non seulement exacerbé les tensions entre le pouvoir et la population, mais a également terni la réputation du régime guinéen sur la scène internationale. Des institutions comme l’Union africaine et les Nations Unies ont vivement dénoncé l’ampleur de la répression, appelant le gouvernement guinéen à rendre des comptes pour ces exactions.
Dix-huit ans après la révolte de janvier 2007, beaucoup de victimes de cette répression n’ont pas obtenu justice. Les familles des personnes tuées ou blessées n’ont toujours pas été indemnisées ou reconnus par les autorités.
Aucune réconciliation véritable n’a été engagée, et le pays continue de souffrir de l’impunité généralisée, qui a perduré pendant de nombreuses années après ces événements.
Les plaies de cette répression restent ouvertes. Les générations qui ont vécu ce traumatisme attendent encore des réponses claires sur les responsabilités de ceux qui ont ordonné cette violence et ceux qui l’ont exécutée.
Le manque de volonté politique pour rendre justice aux victimes et pour organiser une réconciliation nationale effective constitue un obstacle majeur à la paix et à la stabilité en Guinée.
Aujourd’hui, après cette tragédie, la Guinée se trouve à un tournant de son histoire. Le pays, qui a connu plusieurs transitions politiques et coups d’État, vit aujourd’hui sous un régime militaire dirigé par du Général d’armée Mamadi Doumbouya. Ce dernier, arrivé au pouvoir en 2021, a promis d’instaurer une gouvernance plus transparente et de lutter contre la corruption qui a gangrené le pays depuis des décennies.
Pourtant, les évènements de 2007 rappellent que la transition vers une gouvernance démocratique ne doit pas seulement passer par des élections, mais également par un processus de réconciliation, de justice et de mémoire.
Il est impératif que le pays aborde le passé, même douloureux, afin d’éviter que de telles atrocités ne se répètent. Les réformes doivent inclure la mise en place d’une commission vérité et réconciliation, l’indemnisation des victimes et la réhabilitation des droits humains.
La mémoire des événements de janvier 2007 doit servir de guide pour bâtir un pays qui ne répète pas les erreurs du passé et qui fait de la justice, de la liberté et des droits humains les piliers de son développement.
Minkael BARRY