Quel violent séisme que ce paralysant coup de fil reçu, de Fatoumata Barry, notre amie et soeur de Fria, ce dimanche 18 octobre, ( Jour électoral présidentiel Guinéen), m’annonçant le décès de mon ami et frère, Ben Daouda Sylla « BDS », Grand symbole de la liberté et de l’indépendance du Journalisme. Quel symbole pour celui qui a été attiré et a commencé sa carrière professionnelle par le journalisme sportif avant de s’illustrer comme l’un des meilleurs journalistes politiques de l’histoire de la Guinée.
Sous le choc de la triste réalité, des souvenirs de tout genre d’un collaborateur, d’un ami, d’un frère, de celui qui a été un proche, un intime entre les années 80 – 90 – 2000 me torturent les méninges.
Face à la dure épreuve, celle du dernier match du professionnel rompu qui a commencé par le reportage sportif, je manque de force pour évoquer Ben Daouda Sylla, le patron de Midi-Infos, le journal dominical des dimanches, le journaliste présentateur vedette de tous les temps, sous la coordination du chef du groupe Mamadouba Diabaté, de Guinée-Soir la Grande édition à l’époque du Journal Parlé de la Radiodiffusion nationale diffusé à 19 heures 45 et suivi à travers l’Afrique, le téméraire correspondant de la Radio panafricaine « Africa N°1 ».
Journaliste rigoureux, présentateur concentré et structuré, il a énormément contribué à conférer à l’édition du Soir l’audience des grandes écoutes de l’époque. Il exigeait des reporters politiques, sportifs ou culturels qui alimentaient le journal, des textes courts sur une page et demie, concis et très précis. Une véritable saine compétition de compétences et de qualités qui a donné ses lettres de noblesse à l’édition du Soir.
Le ministre de l’information de l’époque, feu Zainoul Abidine Sanoussy, son professeur et directeur à l’école Normale de Maneyah où il a fait ses classes universitaires, le directeur de la Radiodiffusion nationale de l’époque, Cheick Fantamady Conde, le rédacteur en chef puis directeur, feu Alpha Kabine Keita et beaucoup d’autres chefs étaient tous les soirs dans les studios pour suivre de près la belle voix qui avait l’art de structurer et de rendre l’actualité du Jour dans toute sa splendeur avec une équipe de professionnels maîtrisant parfaitement son sujet.
L’une des imposantes voix de l’histoire de la Rtg, Ben Daouda s’est, tout d’abord voulu journaliste libre et s’est battu pour une information débarrassée des oripeaux officiels, l’information qui intéresse ses auditeurs, le public et non la propagande du Système en place. Ce principe pour lequel il a justifié son choix de la profession lui a valu la sanction la plus extrême qu’aucun journaliste du service public n’a subi en Guinée : des avertissements, suspension à répétition du micro et d’interdiction de séjour à la Rtg, blocage de salaire pendant plus de 10 ans jusqu’à la radiation des effectifs de la fonction publique, en passant par des menaces, harcèlement etc. Ce supplice BDS l’a supporté au nom de la liberté de la collecte, du traitement et de la diffusion de l’information.
Contrairement à la règle établie, Ben Daouda, quand il est à la présentation, ouvre généralement le journal par des nouvelles les plus poignantes au plan local ou international, quitte à se faire réprimander par ses chefs pour avoir relégué au second rang l’actualité présidentielle ou gouvernementale.
Durant l’invasion Irakienne du Koweït en 1991, qu’il suivait et enregistrait souvent des chaînes internationales depuis ma chambre, suivions souvent dans ma cha, alors qu’il avait été promu chef de l’édition de 16 heures 15, il a fait de la guerre du golfe l’élément principal de ce Journal restant sourd aux injonctions de ses chefs toujours attachés au principe de la primeur aux informations d’ordre officiel. Ben était un journaliste passionné et intéressé par l’actualité.
Dans la même logique, il a été le seul journaliste à faire échos sur les antennes de la RTG des nouvelles concernant les opposants de l’époque notamment Alpha Condé quand ce dernier était systématiquement diabolisé.
Il était encore plus libre sur les antennes d’Africa N°1 où il s’est jamais laissé influencé encore moins manipulé. Si l’argent, comme pour tout homme, était un besoin pour lui, jamais il n’a voulu être l’esclave du billet de Banque. D’ailleurs, Ben Daouda a vécu tel qu’il était sans chercher à forcer la richesse financière ou matérielle. D’ailleurs, c’est le lieu et le moment de révéler que j’ai été l’initiateur et le gestionnaire des rares « affaires » qui ont pu l’apporter des petits revenus, notamment avec « Dima Films » de monsieur Dabo qui exploitait la salle de Cinéma de l’université de Conakry et « Ghazi Films » du Cinéma Rogbanè dont il assurait la promotion dans ses journaux de « MIDI INFOS » du dimanche et le 16 heures 15. En prenant, bien entendu, des risques avec des chefs très vigilants sur le contenu du Journal Parlé.
Il était avec Yamoussa Sidibé, Alpha Kabinet Doumbouya, les rares journalistes du service public qui acceptaient les invitations du secrétaire général puis du Président du RPG dans les années 90 et se rendaient à Mafanco à visages découverts. Il en faisait autant avec tous les acteurs politiques de l’époque : feu Ba Mamadou, feu Siradiou Diallo, feu Jean Marie Doré, Sidya Touré etc.
Bref, il était toujours disposé, au compte d’Africa N° 1, à couvrir leurs activités ou à tendre son micro pour recueillir leurs visions, avis ou position globalement critiques sur la gouvernance du pays et sur les événements et sujets d’actualités nationales.
Malgré son statut de fonctionnaire, BDS animait et signait des articles qui se voulaient objectifs dans les journaux privés indépendants. Dans le contexte de l’époque, c’était héroïque.
Il n’a jamais eu l’âme d’un militant, mais il a compris trop tôt que la richesse d’un journaliste, c’est sa crédibilité qui s’acquiert dans la rigueur sur soi, l’équilibrage, le recoupement des infos et le traitement égal des acteurs politiques, économiques ou sociaux. Citoyen d’honneur de la ville Américaine de Nebraska en 1988, les chancelleries et l’opinion avaient pour lui, le respect et l’estime d’un honnête homme.
Professionnel, Ben Daouda l’a été jusqu’à son dernier souffle, jusqu’à.
Quand le patron d’Africa N° 1 lui a demandé en 2003 de proposer un journaliste pour une tournée de travail en Afrique Centrale avec pour point central Malabo (Guinée Équatoriale) qui célébrait les bienfaits de la découverte pétrolière, Ben Daouda m’a fait l’honneur de me désigner comme représentant de la Guinée dans le groupe de journalistes africains choisis sur des critères strictement professionnels. Il me recevait souvent dans ses revues de presse sur Africa N° 1 pour décrypter l’actualité.
Personnellement, je perds un ami, un frère, un intime. Nous sommes restés très liés, très proches. À cause de ses liens très forts, il était souvent chez moi à Dixinn et je ne quittais pas Boulbinet. Longtemps, je suis resté Parrain de sa belle sœur Cathy, la sœur de son épouse Rica Mady Ben, Sylla Justine pour qui j’ai une pensée profondément recueillie en ce dimanche endeuillé. Pensée profondément émue également pour ma sœur Issatou Barry, sa seconde épouse.
En cette circonstance très douloureuse, mes souvenirs me fixent sur tes nombreux collègues, amis et frères : ton alter ego Alpha Kabinet Doumbouya, le Chef Mamadouba Diabaté, les aînés Jean Baptiste Williams, Ousmane Tity Faye, Issa Condé, Fecinet Sankhon, les amis Mamadou Dian Diallo, Ibrahima Kalil Diakite, Diakite Alhassane Mohamed, Yamoussa Sidibé, Bouya Kebe de la SONO MONDIALE, Serge Daniel, Yamoussa Sidibe, Amadou Diallo Volter, Abdoulaye Sankara Abou Maco, Sami Traore, Abdourahamane Diallo, Abdoulaye Djibril Diallo, Ibrahima Ahmed Barry, Fodé Tass Sylla, Bangaly Sylla, ton petit Bomba Junior Kakoro qui a été le sujet de notre toute dernière conversation téléphonique, quelques mois avant ton ultime voyage vers le Ciel. Tous te pleurent et prient pour toi. Comme ils l’ont fait pour tes devanciers célèbres du micro : Aly Badara Diakite ABD, Abdoulaye Camara, l’ancien Patron de RTG MIDI, Sekou Mady Traore, ton successeur à MIDI INFOS, le directeur Alpha Kabinet Keita, Aboubacar Cissé, ton ami, ton voisin de Boulbinet et major Normalien, Mariam Bah, Ibrahima Sylla, l’ancien maître de la réalisation du JT de 20 heures 30, tes doyens Cheick Sylla, Almamy Laye Soumah, Thierno Diaka Souare, Seydouba Sylla, Abdourahamane Diallo DZ et la gazelle Hawa Touré qui t’a rejoint dernièrement.
Dors en Paix, champion de la liberté, le Professionnel à toute épreuve.
VEUILLE ALLAH, NOTRE CRÉATEUR, t’accueillir dans son éternel Paradis. Amen
Par Abdoulaye Condé, journaliste