Guinée : Où en est la transition ? Un temps d’arrêt pour réfléchir à notre avenir commun

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La Guinée traverse une période historique : celle d’une transition censée poser les bases d’un avenir plus démocratique, plus stable, plus juste. Pourtant, au fil des mois, l’élan initial semble s’émousser, les échéances s’éloignent, et les promesses s’estompent dans un flou préoccupant.

 

En tant que citoyen, jeune engagé et témoin de ce processus, je ressens le besoin de m’exprimer. Non pas pour accuser, mais pour questionner. Non pas pour semer la peur, mais pour inviter à la lucidité. Où en sommes-nous réellement dans cette transition ? Qu’est-il advenu du calendrier convenu avec les institutions régionales ? Comment préserver l’espoir, la confiance, et surtout, la participation populaire ?

 

Il est temps de faire une pause, de regarder avec honnêteté le chemin parcouru et celui qu’il reste à tracer. Car la démocratie ne se construit pas dans l’opacité ou la confusion. Elle s’enracine dans la vérité, la confiance et la responsabilité partagée.

 

Lorsque le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) a pris le pouvoir en septembre 2021, un engagement fort avait été formulé : conduire une transition inclusive et responsable, avant de restituer le pouvoir aux civils. En octobre 2022, un accord a été trouvé entre les autorités de la transition et la CEDEAO, fixant un chronogramme de 24 mois pour le retour à l’ordre constitutionnel. L’objectif était clair : mettre en œuvre dix étapes clés, dont le recensement, la réforme du fichier électoral, l’adoption d’une nouvelle constitution et l’organisation d’élections locales, législatives et présidentielles.

 

Cet engagement avait suscité l’adhésion d’une large partie de la population. Les jeunes y voyaient une opportunité de rupture avec les pratiques du passé. La société civile s’est mobilisée pour suivre et accompagner le processus. Mais aujourd’hui, ce calendrier semble fragilisé, et les repères deviennent flous.

 

Plus de la moitié du temps imparti s’est déjà écoulée. Or, plusieurs étapes clés du chronogramme n’ont pas encore été réalisées. Le recensement général, prévu comme la base technique des futures élections, a connu des lenteurs et des critiques sur son organisation, sa transparence et son accessibilité. Le débat constitutionnel reste timide, sans participation citoyenne forte. Et aucune date précise n’est avancée pour les scrutins tant attendus.

 

Le silence prolongé autour du processus électoral et l’absence de bilan officiel nourrissent un malaise croissant. L’impression qui domine est celle d’un décalage entre les engagements initiaux et la réalité actuelle. Il ne s’agit pas d’un rejet systématique du processus en cours, mais d’un appel à la transparence et à la redevabilité.

 

Les jeunes, qui représentent la majorité de la population guinéenne, sont à la fois les plus concernés et les plus oubliés dans cette transition. Ils attendent plus qu’un retour aux urnes : ils attendent des signes concrets d’écoute, d’inclusion, et d’espoir. Si la confiance se rompt une fois de plus, le risque est grand de voir s’installer une lassitude civique, un désintérêt politique, ou pire, une rupture générationnelle avec la chose publique.

 

La démocratie, ce n’est pas seulement des élections. C’est aussi la capacité d’un État à rendre compte, à respecter la parole donnée, à ouvrir des espaces de dialogue sincères et à accepter la critique. C’est dans cette optique que nous devons, collectivement, exiger plus de clarté, plus de vérité, plus de respect du calendrier convenu.

 

Ce texte n’est ni un réquisitoire ni un manifeste de colère. Il est un appel simple, citoyen, modéré : celui de rester vigilants, informés, engagés. Celui de demander des comptes sans violence, de rappeler les engagements sans animosité, et de continuer à croire que la Guinée peut réussir sa transition – à condition que chacun, à son niveau, joue son rôle avec rigueur et loyauté.

 

L’avenir n’est pas écrit. Il se construit dans le présent. Et dans ce présent, nous avons besoin de vérité, de cap, et de confiance.

 

Mamadou Dioulde SOW

 Activiste de la Société Civile

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