À Conakry, la consommation de la chicha, un dispositif permettant d’inhaler de la fumée parfumée, est devenue une tendance grandissante, en particulier dans certains quartiers populaires.
L’un des lieux les plus affectés par ce phénomène est le quartier Kipé, où cette habitude se propage à une vitesse alarmante. Ce phénomène touche notamment les filles, et plus inquiétant encore, un grand nombre d’entre elles sont des mineures.
La chicha, aussi appelée « narguilé », était autrefois un produit plutôt réservé aux adultes et aux fumeurs réguliers. Mais aujourd’hui, elle est devenue un objet de mode et de consommation pour les jeunes, et plus précisément pour les filles de Conakry.
Le quartier Kipé, comme d’autres quartiers populaires de la capitale, en est un centre de consommation intense. On trouve ici de nombreux cafés et salons où les jeunes filles, en particulier les adolescentes, se retrouvent pour partager une chicha, souvent accompagnée de musique ou d’une conversation entre amis.
« Quand je suis avec mes amies, c’est presque devenu une tradition. On se retrouve dans ces salons de chicha. Ça nous détend après l’école », confie une jeune fille, âgée de 15 ans, qui préfère garder l’anonymat.
Elle explique qu’elles se retrouvent en groupe après l’école pour fumer de la chicha, un moment qu’elles considèrent comme un moyen de « socialiser ».
Ce n’est pas un cas isolé. Le phénomène est de plus en plus répandu à Kipé, et l’un des problèmes majeurs est l’attrait exercé par cette pratique sur les jeunes filles, bien souvent influencées par leurs pairs ou l’aspect « cool » que cela donne à leur image.
L’un des aspects les plus préoccupants de la consommation abusive de la chicha dans ces quartiers est la méconnaissance des risques sanitaires qu’elle engendre. En effet, contrairement à ce que beaucoup pensent, fumer la chicha n’est pas moins dangereux que de fumer des cigarettes. Selon plusieurs études de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), fumer de la chicha expose à des risques similaires, voire plus graves, notamment des maladies cardiaques, respiratoires, et un risque accru de cancer des poumons.
Pourtant, les jeunes filles de Kipé semblent ignorantes de ces risques, ou tout du moins, ne les prennent pas en compte. « On ne pense pas vraiment à ce qui peut arriver. On le fait parce que tout le monde le fait et on se sent bien ensemble », nous confie une autre jeune consommatrice de chicha.
Les spécialistes de la santé, eux, sont formels : « La chicha est extrêmement nocive, surtout lorsqu’elle est utilisée de manière excessive. Elle peut entraîner des troubles respiratoires, des maladies cardiovasculaires, et aggraver des conditions préexistantes », avertit le Dr. Moussa Keita, médecin à l’hôpital Donka, dans la capitale.
Mais malgré ces mises en garde, la consommation de la chicha reste un phénomène à la mode et ne cesse d’augmenter parmi les jeunes filles de Conakry.
L’un des aspects les plus préoccupants de cette consommation de la chicha à Conakry est qu’elle touche de plus en plus les mineures.
L’usage de la chicha est généralement perçu par les jeunes comme une activité récréative, un moyen de se détendre entre amis après l’école, mais cela devient un problème lorsque des enfants de moins de 18 ans, encore en pleine période de croissance, s’adonnent à cette activité.
Dans le quartier Kipé, il est fréquent de voir des groupes de jeunes filles, certains n’ayant même pas encore atteint l’âge légal de la majorité, assises dans les salons de chicha, fumer à leur tour, sans aucune supervision adulte. Une situation d’autant plus préoccupante que la législation guinéenne interdit la consommation de tabac et autres produits de fumer aux mineurs.
« Les filles viennent fumer ici, mais quand on leur pose des questions, elles sont souvent surprises d’apprendre qu’elles ne sont pas censées fumer à leur âge. Elles nous disent que c’est normal, que c’est une mode, que tout le monde le fait« , explique un responsable de l’un des salons de chicha du quartier.
Il précise que les jeunes filles, souvent accompagnées de leurs amies, viennent fumer après les heures de classe.
Pourquoi les jeunes filles du quartier Kipé, souvent issues de milieux modestes, se laissent-elles aller à cette pratique, bien qu’elle soit dangereuse pour leur santé ?
Selon plusieurs sociologues et psychologues, l’un des facteurs importants est la recherche d’identité et d’appartenance à un groupe. La consommation de la chicha est perçue comme un moyen de s’intégrer dans un cercle social et de s’affirmer en tant que jeunes adultes.
« Les adolescentes sont particulièrement vulnérables à la pression des pairs. Elles cherchent à se conformer à des normes sociales perçues comme modernes, et la chicha est un moyen de se sentir adultes et d’appartenir à un groupe d’amis. Cela leur procure aussi un sentiment d’émancipation », explique la sociologue Fatoumata Diallo, spécialiste des questions liées à l’adolescence à Conakry.
En outre, les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans la diffusion de cette mode. Les jeunes filles sont influencées par les images et vidéos montrant des personnes smoking la chicha, souvent associée à un style de vie « cool » et « branché ». Ce phénomène n’est donc pas uniquement local, mais bien un produit d’une culture globale largement diffusée sur Internet et les médias sociaux
Pour lutter contre cette pratique, plusieurs actions sont nécessaires. La sensibilisation des jeunes sur les dangers de la chicha doit être renforcée. Des programmes d’éducation à la santé dans les écoles, ainsi que des campagnes de communication sur les dangers du tabagisme, seraient essentiels pour limiter l’attrait de la chicha. Mais au-delà de cela, il est également nécessaire de renforcer les contrôles sur les salons de chicha, afin d’interdire l’accès aux mineurs et de garantir le respect de la législation.
En somme, la consommation de la chicha parmi les jeunes filles de Kipé, et plus particulièrement des mineures, est un phénomène préoccupant. Si des mesures urgentes ne sont pas prises, cela pourrait avoir des conséquences graves à long terme sur la santé des jeunes générations. Il est donc impératif d’agir dès maintenant pour protéger les jeunes de Conakry de cette pratique potentiellement dangereuse.
Minkael BARRY