En Guinée, un phénomène social à la fois fascinant et inquiétant s’est progressivement installé dans le quotidien des citoyens : celui des sourires trompeurs, une façade de cordialité et de bienveillance dissimulant souvent des intentions moins nobles.
Derrière le sourire apparent de bien des gens se cache la ruse, l’hypocrisie, voire la méchanceté. Dans ce contexte, les rapports sociaux sont souvent marqués par une dualité saisissante : celle entre l’apparence d’une convivialité sincère et la réalité d’une compétition effrénée où chacun, animé par ses intérêts personnels, feint de jouer un rôle.
Le sourire est l’un des gestes les plus universels et humains. Pourtant, en Guinée, il semble être devenu un outil de manipulation sociale, parfois même un masque destiné à dissimuler des vérités inconfortables. Que ce soit au sein des relations professionnelles, familiales ou amicales, le sourire s’impose comme un instrument de dissimulation, comme un moyen de maintenir des façades de cordialité tout en cachant des intentions qui n’ont rien de bienveillant.
Les Guinéens ont appris à sourire même dans les situations les plus tendues, à paraître accueillants alors qu’ils nourrissent souvent des jugements négatifs ou des intentions malveillantes.
Cette réalité n’est pas seulement ancrée dans les habitudes sociales, mais elle se nourrit également d’une culture où l’apparence prime sur la vérité. Dans de nombreuses situations, la politesse devient une forme de dissimulation, un masque derrière lequel se cachent des motivations bien plus intéressées.
L’une des raisons de cette hypocrisie sociale réside dans la peur et la méfiance qui ont marqué l’histoire du pays. Depuis la colonisation jusqu’à l’instabilité politique qui a secoué la Guinée à plusieurs reprises, la survie individuelle a souvent impliqué l’adoption de comportements stratégiques, voire manipulateurs. Le sourire devient alors une manière de se protéger, de ne pas se faire remarquer, de s’adapter à un système où la loyauté, la transparence et l’honnêteté sont parfois mises à l’épreuve.
La corruption, la recherche incessante de pouvoir et de privilèges ont engendré une culture de l’apparence, où il est souvent plus avantageux de sourire, de feindre l’amitié et la solidarité, plutôt que d’admettre ses véritables intentions. Cette dynamique engendre des rapports superficiels, basés sur l’opportunisme et la manipulation, et contribue à la prolifération de la médisance et des faux-semblants dans tous les secteurs de la société.
Le caractère trompeur du sourire guinéen a des conséquences profondes sur les relations humaines. Dans les relations personnelles, familiales et professionnelles, les masques sont souvent portés, ce qui rend difficile la construction de liens authentiques.
Il devient ainsi quasi impossible de savoir si quelqu’un vous sourit réellement de manière sincère ou si c’est pour dissimuler une intention contraire. Le phénomène de la médisance se nourrit de cette hypocrisie, car le sourire masque les jugements acerbes et les paroles murmurées dans le secret des conversations.
Dans le milieu professionnel, par exemple, l’on peut se retrouver entouré de personnes qui vous sourient en public, mais qui, dans les coulisses, complotent pour saboter vos projets ou chercher à tirer profit de vos efforts. Il en va de même dans les communautés où, sous l’apparence d’une solidarité affichée, se cachent des rivalités, des jalousies et des calculs personnels.
Cela mène à un environnement toxique où la confiance se fait rare et où les relations sont souvent marquées par des conflits silencieux.
Cette hypocrisie sociale a des répercussions sur la stabilité et l’unité de la société guinéenne. Si le sourire devient une arme de manipulation, il devient de plus en plus difficile de bâtir une société fondée sur la confiance et la solidarité authentiques. Dans un tel contexte, les actions publiques, politiques et économiques sont souvent entachées par des comportements opportunistes qui freinent l’épanouissement collectif.
Les dérives sociales engendrées par cette culture de l’hypocrisie et du sourire trompeur sont multiples. Elles incluent la corruption qui s’infiltre dans les institutions publiques et privées, la méfiance généralisée qui nourrit la fragmentation sociale, et la peur du jugement qui incite chacun à masquer sa véritable personnalité pour correspondre à des normes sociales superficielles.
Toutefois, il n’est pas trop tard pour amorcer un changement. La prise de conscience collective est essentielle pour briser ce cycle de faux-semblants. Il est possible de cultiver une société où le sourire et la bienveillance sont des signes de sincérité et non de manipulation. Cela nécessite un travail de rééducation des mentalités, une éducation qui valorise l’intégrité, la transparence et l’honnêteté dans tous les aspects de la vie sociale.
Les citoyens guinéens peuvent, ensemble, poser les bases d’un environnement où les relations humaines ne seront plus marquées par la méfiance et la dissimulation. En cultivant une véritable culture de l’authenticité et du respect, la société guinéenne pourra se transformer en une communauté plus soudée, plus solidaire, et véritablement engagée dans un avenir commun basé sur la confiance mutuelle.
Minkael BARRY