Analyse de l’Avant-Projet de la Nouvelle Constitution de la République de Guinée : Avancées et Failles

0
391

Un nouveau souffle pour la République de Guinée ? L’avant-projet de la nouvelle Constitution suscite espoir et débat. Bien que porteur d’avancées notables, il présente des lacunes structurelles susceptibles de limiter son impact démocratique et institutionnel.

Voici une analyse approfondie des forces et des failles de ce texte fondateur.

 

Un Préambule Éloquent mais Fragile

 

Le préambule pose les bases idéologiques de la Constitution en s’appuyant sur l’histoire, notamment le rôle de la Guinée dans la décolonisation, et en affirmant des principes universels comme la démocratie, l’unité et la diversité.

 

Forces :

 

Lien historique fort avec le « Non » de 1958, renforçant l’identité nationale.

 

Engagement envers les traités internationaux et rejet explicite de la dictature.

 

 

Failles :

 

Absence de mécanismes pour concrétiser des valeurs comme l’unité nationale et la diversité.

 

Aucun principe n’est explicitement protégé contre une révision ultérieure, exposant des piliers fondamentaux à des manipulations futures.

 

 

Droits Fondamentaux : Une Déclaration de Principes à Concrétiser

 

Le texte garantit les droits civils, politiques, économiques et sociaux, notamment la liberté d’expression, l’égalité, et l’interdiction de la peine de mort.

 

Avancées :

 

Inclusion de la parité homme-femme, un pas significatif vers l’égalité des genres.

 

Reconnaissance des droits environnementaux, en garantissant un environnement sain pour tous.

 

 

Limites :

 

Manque de moyens concrets pour rendre ces droits effectifs : absence de financements garantis pour la santé, l’éducation ou le logement.

 

Les droits proclamés restent vulnérables à une éventuelle révision constitutionnelle.

 

 

Proposition : Inscrire ces droits parmi les clauses intangibles pour les protéger de toute suppression.

 

 

Candidatures Indépendantes : Une Opportunité, mais des Inquiétudes

 

L’avant-projet innove en permettant aux citoyens de se présenter aux élections sans être affiliés à un parti politique. Cette disposition, cruciale pour une démocratie inclusive, ouvre de nouvelles perspectives politiques, mais soulève également des inquiétudes spécifiques au contexte de la transition.

 

Forces :

 

Démocratisation accrue : Les candidatures indépendantes renforcent le pluralisme et permettent à des acteurs issus de la société civile de participer à la vie politique.

 

Représentation locale renforcée : Les élections locales bénéficient de candidats souvent plus proches des préoccupations des électeurs.

 

 

Inquiétudes et Failles :

 

1. Participation des membres de la Transition :

 

La possibilité pour des membres du Gouvernement de transition ou le Président de la Transition de se porter candidats soulève des risques majeurs de conflit d’intérêts.

 

Ils pourraient utiliser leur position pour influencer le processus électoral, compromettant l’équité et la transparence.

 

 

 

2. Inégalité des chances :

 

Les candidats indépendants issus de la société civile pourraient être désavantagés face à des figures de la transition bénéficiant de ressources étatiques et d’une visibilité accrue.

 

Recommandations :

 

Interdire explicitement la candidature des membres du Gouvernement et du Président de la Transition pour les élections organisées sous leur mandat.

 

Simplifier les conditions d’éligibilité pour les candidats indépendants et garantir un financement public équitable.

 

Renforcer la surveillance électorale pour assurer un processus impartial et transparent.

 

Les Intangibilités Constitutionnelles : Un Bouclier pour la Démocratie

 

L’avant-projet de Constitution ne mentionne pas explicitement de clauses intangibles, laissant les principes fondamentaux vulnérables à des modifications opportunistes. Intégrer des intangibilités renforcerait la stabilité démocratique et garantirait la pérennité des acquis.

 

Éléments à rendre intangibles :

 

1. Limitation des mandats présidentiels :

 

Limiter à deux mandats de 5 ans, sans possibilité de modification.

 

 

2. Droits fondamentaux :

 

Protéger la liberté d’expression, l’interdiction de la peine de mort, et les droits sociaux comme l’accès à la santé et à l’éducation.

 

 

3. Unité et intégrité territoriale :

 

Interdire toute tentative de division ou de sécession du territoire.

 

 

4. Laïcité de l’État :

 

Protéger la neutralité religieuse pour garantir l’égalité entre tous les citoyens.

 

 

5. Séparation des pouvoirs :

 

Empêcher toute révision qui compromettrait l’autonomie des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

 

 

6. Neutralité des processus électoraux :

 

Interdire la participation des membres de la Transition ou du Gouvernement aux élections qu’ils organisent.

 

 

Proposition : Intégrer ces intangibilités dans la Constitution pour empêcher toute révision qui affaiblirait les fondements démocratiques et les droits des citoyens.

 

Conclusion :

 

L’avant-projet de la nouvelle Constitution marque une avancée significative pour la Guinée, notamment par son engagement envers les droits fondamentaux, la démocratie, et l’introduction des candidatures indépendantes. Cependant, des lacunes subsistent, notamment en matière de protection des droits, de limitation des pouvoirs présidentiels, et de neutralité du processus électoral pendant la transition.

 

Recommandation principale : Introduire des clauses d’intangibilité, interdire la participation des membres de la Transition aux élections, et affiner les modalités des candidatures indépendantes pour garantir une participation citoyenne équilibrée.

 

La Guinée dispose ici d’une opportunité historique pour consolider ses institutions et tracer la voie d’un avenir démocratique durable. Il appartient maintenant au peuple et à ses représentants de veiller à ce que ce texte soit à la hauteur de ces aspirations.

 

Mamadou Diouldé Sow, Coordinateur Préfectoral de la Maison des Associationset ONG de Guinée MAOG-PITA.