Dans une décision qui soulève des vagues d’indignation et d’incompréhension, le président de la République de Guinée, Mamadi Doumbouya, a accordé une grâce présidentielle à l’ex-dictateur Moussa Dadis Camara, sur proposition du ministre de la Justice, ce vendredi 28 mars 2025.
La justification officielle de cette clémence repose sur un prétendu « état de santé » fragile, un élément qui n’avait, jusqu’ici, jamais été mentionné dans les discours officiels ni dans les précédentes communications des autorités guinéennes.
Ancien chef de la junte militaire, Moussa Dadis Camara avait dirigé le pays entre 2008 et 2009, et avait été condamné en juillet 2024 à 20 ans de réclusion pour son rôle dans le massacre du 28 septembre 2009. Ce jour-là, plus de 150 innocents ont été tués, des centaines blessés et des violences sexuelles ont été infligées à de nombreuses femmes, dans un déchaînement de brutalité qui marquera à jamais l’histoire de la Guinée.
Pourtant, malgré la gravité des crimes commis sous son autorité, il bénéficie aujourd’hui d’une grâce présidentielle, arguant d’une fragilité de santé jusqu’alors inexistante dans le récit judiciaire.
Depuis son arrestation en 2022, après 13 années d’exil, et son incarcération à la prison civile de Conakry, l’état de santé de Moussa Dadis Camara n’avait jamais fait l’objet d’une attention particulière.
Pas un mot sur son état physique ni sur une quelconque justification médicale pour alléger sa peine. Pourquoi ce retournement brusque après près de deux ans de silence ?
Et pourquoi une grâce pour un homme responsable d’une telle barbarie, après avoir été reconnu coupable de meurtres, tortures et viols dans le cadre de l’un des pires massacres de l’histoire récente du pays ?
Si les autorités ont publié parallèlement un décret pour indemniser les victimes du massacre du 28 septembre 2009, cette décision de grâce risque de souiller davantage les espoirs de justice pour les victimes.
En dépit du verdict historique de 2024, qui faisait espérer une justice tangible, ce geste présumé « humanitaire » apparaît comme un affront, une insulte pour les 400 parties civiles qui attendent encore une réparation digne des souffrances endurées.
Au lieu de renforcer la lutte contre l’impunité et de rendre justice aux innocents tombés ce jour tragique, cette grâce semble valider une fois de plus l’idée que certains criminels bénéficient d’un traitement de faveur dans ce pays.
Les Guinéens, surtout ceux qui ont perdu des proches dans ce massacre, ne peuvent que se demander si ce régime, tout comme les précédents, laisse toujours la porte ouverte à l’impunité pour ceux qui détiennent le pouvoir.
Ansoumane Diawara